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département par sa population, n’en était encore que la troisième : il semble qu’on pressentît dès-lors son agrandissement actuel.

Il est à Boulogne un établissement d’instruction spéciale dont l’insuffisance frappe les yeux ; c’est l’école d’hydrographie. On a peine à comprendre qu’avec un beau port, un grand mouvement de navires, de vastes projets d’avenir, le chef-lieu d’un quartier d’inscription qui compte 2,402 marins n’ait, comme Saint-Valéry-sur-Somme, Paimpol, le Croisic, Saint-Jean-de-Luz, Collioure ou Saint-Tropez, qu’une école de quatrième classe. L’organisation de moyens d’instruction complets est une des bases essentielles du développement de l’établissement maritime, et aucune des ressources nécessaires à l’art nautique en livres, en cartes, en instrumens, ne devrait manquer dans un port où naîtront tant d’occasions d’en faire un bon usage.

Si c’était ici le lieu de s’étendre sur le passé, je rappellerais combien Boulogne, située sur la mer la plus étroite et la plus fréquentée qui baigne notre territoire, a dans tous les temps frappé l’attention des hommes qui ont pesé dans la balance des destinées de notre pays. Les premières routes qui sillonnèrent la contrée furent l’ouvrage de César et d’Agrippa Boulogne en 307 et en 311 ; Attila en fit infructueusement le siége en 449 ; Charlemagne y vint lui-même organiser le système de défense de la côte, et ses successeurs ne surent pas la préserver des ravages des Normands et des Sarrasins ; François Ier, Henri IV, le cardinal de Richelieu, Louis XIV, visitèrent la ville ; Napoléon y séjourna long-temps, et le sol y porte partout l’empreinte de ses pas. Prononcer ces grands noms, c’est dire que les plus hauts intérêts de la France et du monde se sont plus d’une fois réglés sur cette côte. Entre ces hommes dont l’apparition fait époque se range une foule de personnages recommandables, les uns par leur courage, les autres par leurs talens, mais qu’on n’aperçoit pas d’aussi loin, bien que leur importance ait été grande sur les lieux auxquels se rattache le souvenir de leurs services.

La ville de Boulogne a donc une histoire locale pleine d’intérêt à conserver. C’est peut-être à cette circonstance qu’elle doit le grand nombre d’hommes distingués dans les sciences et les lettres qu’elle a produits : une étude en amène une autre, et toutes les connaissances humaines s’enchaînent. Elles n’ont pas cessé d’être cultivées dans le pays, et la ville en offre comme témoignage une bibliothèque de vingt-cinq mille volumes formée, depuis la révolution, sous la direction d’un ses plus illustres enfans, de Daunou, et très remarquable par le bon choix des livres dont elle se compose ; un cabinet d’histoire naturelle