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construction d’une très belle écluse qui isole de l’action des marées le système hydraulique du canal ; mais, sous les murs mêmes de la ville, on a laissé subsister, avec une écluse trop étroite et une hauteur d’eau insuffisante, une ligne de 700 mètres, en avant et en arrière de laquelle le canal s’élargit et s’approfondit. L’interposition de cet obstacle neutralise les avantages que l’agriculture et le commerce sont en droit d’attendre de l’ensemble des travaux. Les entreprises utiles sont celles qu’on achève, et l’administration fait à une vaine popularité un sacrifice peu honorable de ses lumières lorsqu’elle éparpille sur la surface du pays des travaux interrompus, donnant partout pour consolation, à ceux qui attendent, le spectacle d’un voisinage, qui n’est pas mieux traité.

L’orgueil national qui nous enferre, à la grande satisfaction des Anglais, dans tant de sottises transatlantiques, aurait dû nous faire compléter depuis long-temps l’établissement maritime et militaire de nos voisins.

La restauration, malgré les transports qui saluèrent à Calais la paix qu’elle apportait avec elle, s’est bornée à doter cette ville de réparations insuffisantes aux jetées du port et d’un bassin d’échouage d’un hectare. Le gouvernement de juillet a fait davantage. Au retour d’un voyage en Angleterre, M. Legrand, alors directeur général des ponts et chaussées, fut blessé de la comparaison entre le port de Calais et celui de Douvres, et des crédits furent demandés aux chambres. Le chenal, allongé de 260 mètres, est allé chercher une plus grande profondeur de mer ; une magnifique écluse de chasse de 18 mètres de débouché a été construite, pourvue de retenues, et, aux moindres marées, un million de mètres cubes d’eau, lancé d’une hauteur de 5 mètres 50 centimètres, balaie les sables amoncelés et rend au chenal sa profondeur : en attendant mieux, les bateaux de pêche peuvent aujourd’hui se réfugier à la mer basse entre les jetées.. Entre le bassin des chasses, qui s’étend au loin dans la campagne, et les murs de la ville, s’étend parallèlement à ceux-ci, un avant-port de 450 mètres de long ; il se prolonge par un bassin à flot de deux hectares. Ces travaux de Romains ont été fondés sous des couches de sable, et leur solidité défie, comme s’ils l’étaient sur le roc, l’effort d’une des plus grandes puissances de destruction qui soient dans la nature. Projetés par feu M. Raffeneau de Lisle, ils ont été exécutés par MM. Néhou, ingénieur en chef, et Pouilly, conducteur des ponts et chaussées. Je mets ici ces deux noms ensemble, parce que M. Néhou