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voix eût constitué le ministère en minorité ! Aujourd’hui, grace à Dieu, nous ne voyons plus d’orateurs qui soient disposés à tenir le langage de M. Dufaure et de M. Passy. Nous croyons même que ces deux hommes honorables, instruits par l’expérience, jaloux de rendre au pays les services qu’il attend de leur patriotisme et de leurs lumières, ne céderaient pas maintenant aux scrupules excessifs qu’ils ont montrés autrefois. Au lieu d’une opposition platonique, nous voyons une opposition sérieuse qui portera dans la lutte cette ambition légitime et nécessaire sans laquelle il serait insensé d’attaquer un cabinet. Au lieu d’une opposition sans discipline et sans but, nous voyons les germes d’une opposition vraiment parlementaire qui présentera, comme l’opposition dans les chambres anglaises, un parti de gouvernement. Tout cela est fort peu de chose, si l’on veut ; mais tout cela fait supporter patiemment les airs de fierté et d’assurance que se donne le cabinet.

Le gouvernement s’est enfin décidé à émettre l’emprunt. M. le ministre des finances a eu, dit-on, de longs combats à soutenir pour vaincre les irrésolutions du conseil. 200 millions seront demandés au crédit ; 100 millions seront réservés pour réduire la portion de la dette flottante qui provient des caisses d’épargne ; L’emprunt sera adjugé le 9 décembre.

Le public financier savait depuis long-tems que l’emprunt ne serait pas effectué par souscription. Consultés par M. Laplagne, les receveurs-généraux avaient déclaré ce système peu praticable. Suivant eux, les petits capitaux n’auraient pas répondu à l’appel de l’emprunt, soit que les entreprises industrielles leur semblent préférables à la rente, soit que le crédit public n’ait pas encore poussé d’assez fortes racines pour permettre au gouvernement de se passer du secours des banquiers. Ces considérations ont entraîné M. Laplagne, qui d’ailleurs, on doit le reconnaître, avait réservé toute sa liberté en acceptant l’amendement de M. Garnier-Pagès. Voilà donc l’emprunt livré à la spéculation. S’il est vrai que plusieurs compagnies se sont déjà réunies pour l’exploiter, et qu’une maison puissante dirige cette coalition, le système adopté porte déjà ses fruits. Toute concurrence sérieuse est étouffée et les loups-cerviers, comme dit. M. Dupin, se préparent à dévorer le trésor.

Pendant que M. Laplagne termine, comme il le peut, cette périlleuse affaire de l’emprunt, son collègue de la guerre, M. le maréchal Soult, vient de résoudre une question difficile, qui lui a causé de graves soucis. L’ordonnance qui réorganise l’École polytechnique a paru. D’accord avec la commission instituée pour préparer ce travail, le ministre n’a pas voulu procéder à une réforme complète. Il a mis de côté tout ce qui regarde le plan et la direction des études, n’a changé en rien la constitution des différens conseils chargés de l’instruction, de la discipline et de l’administration de l’école. Les dispositions principales de l’ordonnance du 30 octobre 1832 ont été maintenues, sauf une seule, celle qui concerne le mode de nomination aux divers emplois. Ce respect du ministre pour l’ordonnance de 1832 a été