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une politique inhabile. Combattre le ministère, ce n’est pas repousser le système de la paix ni l’alliance anglaise ; c’est, au contraire, demander pour la paix des garanties plus sûres, et réclamer un système de conduite qui rende l’alliance plus digne et plus féconde. Combattre le ministère, ce n’est pas attaquer la royauté ; c’est vouloir, au contraire, que la royauté soit plus sincèrement protégée, c’est vouloir que sa cause ne soit point perfidement confondue avec celle du ministère ; c’est vouloir qu’elle reçoive, au sujet des évènemens de Londres, la part d’éloges et de reconnaissance qui lui revient combattre le ministère, ce n’est pas attaquer la gloire de nos marins et de nos soldats ; c’est, au contraire, blâmer les fautes qui l’ont rendue stérile, et qui ont arraché de nos mains les avantages conquis par nos armes. Enfin, combattre le ministère, ce n’est pas soulever la question des réformes ; loin de là, c’est préserver la constitution même contre les dangers que pourrait présenter, dans des circonstances difficiles, une politique capable d’irriter le pays, et d’enlever au parti conservateur la majorité des collèges. Le drapeau de l’opposition nouvelle est donc un drapeau conservateur Ceux qui se rangent autour de lui sont les partisans sincères de la paix, de la dynastie et de la constitution ; leur seul but est de ramener le gouvernement dans les voies d’une politique de sagesse, de dignité et de force, que les chambres ont inutilement conseillée au ministère depuis quatre ans

Que l’opposition se rappelle le passe, elle verra quelles sont ses chances pour l’avenir Jusqu’ici, le ministère n’a pas été sérieusement combattu. Toléré plutôt que soutenu par la majorité, il n’a trouvé du côté de l’opposition que des adversaires isolés, souvent même indulgens, qui ont pris plus d’une fois sa défense dans de grandes occasions. Nous ne parlons pas des partis extrêmes qui lui ont fait l’aumône de leurs voix dans quelques circonstances mémorables. Les grandes questions sont justement celles ou le ministère a été le plus épargné. Il suffit de rappeler la discussion sur la régence, où le ministère a été si généreusement protégé par M. Thiers, et la discussion du droit de visite, où M. Dupin, inspiré par un sentiment national, éleva le débat au-dessus des têtes ministérielles et entraîna la chambre dans un vote unanime où disparut la question de cabinet. Les fonds secrets ont soulevé, il est vrai, plusieurs luttes dans lesquelles le ministère a triomphé ; mais quels combats a-t-il soutenus ? Qu’on se rappelle la discussion de 1843. M. Passy et M. Dufaure venaient de se séparer du ministère ; tous les regards étaient fixés sur eux ; ils étaient le lien d’une combinaison nouvelle, les garans de la transaction qui devait rapprocher les centres. Le débat commence. Presque aussitôt M. Passy, puis M. Dufaure, se déclarent impossibles par les raisons que tout le monde sait. Ce n’est pas tout ; M. de Lamartine lance une formidable harangue contre la politique du gouvernement de juillet, et fournit une éloquente réplique à M. Guizot. Voilà comme on a combattu jusqu’ici le ministère. Et cependant, quel a été le résultat de cette singulière bataille livrée sur les fonds secrets ? Une différence de vingt