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quitter l’Angleterre, comme Cicéron eût fui devant une harangue de Clodius. Abattu, désespéré, il écrivait alors à sir William Wyndham : « Je suis toujours le même proscrit, entouré des mêmes difficultés, exposé aux mêmes humiliations ; je n’ai plus à me mêler aux affaires publiques. Mon rôle est fini, et celui qui demeure sur la scène lorsque son rôle est terminé mérite d’être sifflé. »

L’intérêt que M. Smythe prend à l’antagonisme de Walpole et de Bolingbroke donne la clé des idées politiques autour desquelles la jeune Angleterre se rallie. Walpole tirait sa force de deux instrumens que lui avait fournis la situation même au milieu de laquelle il entra aux affaires. Ces deux instrumens étaient l’influence des alliances aristocratiques et la corruption. Depuis la révolution de 1688 jusqu’à Pitt, depuis surtout l’avènement de la maison de Hanovre, le gouvernement de l’Angleterre appartint à une véritable oligarchie. Quelques grandes maisons, les Cavendish, les Lennox, les Fitzroy, les Bentink, les Conway, les Manners, les Grenville, les Russell, pour ne citer que les plus imporantes, disposaient par leurs coalitions des destinées de l’Angleterre. Ces grandes familles étaient whigs, Walpole et ses successeurs les Pelhams comptaient les principales parmi leur clientelle politique. Cette oligarchie devait sa puissance à la prépondérance qu’elle exerçait sur les élections. Prêtant son influence, moyennant des compromis d’intérêt, elle érigeait la corruption politique en règle nécessaire de gouvernement et la propageait par son exemple dans toutes les classes. La simplicité et la candeur avec lesquelles Bubb Dodington raconte dans ses mémoires le trafic qu’il faisait des sept voix dont il était propriétaire à la chambre des communes, donne de curieuses ouvertures sur les mœurs politiques de cette époque. Le sentiment national, l’opinion publique, n’agissaient que très faiblement sur les décisions du pouvoir et du parlement, pour deux raisons : d’abord il leur était impossible de secouer l’influence aristocratique, et d’ailleurs les débats des chambres demeuraient secrets ; les paroles et la conduite des hommes politiques échappaient à la connaissance du public ; le gouvernement parlementaire, comme une cause scandaleuse, se tenait à huis clos. Bolingbroke, pour briser cet état de choses, pour rompre ce faisceau aristocratique, qui prêtait un appui si robuste à son ennemi, ne voyait d’autre moyen de salut que l’initiative énergique de la royauté. Il voulait une couronne puissante, il voulait qu’un roi patriote fit de sa prérogative un vigoureux usage pour délivrer le pays et se délivrer lui-même du joug oligarchique qu’il subissait comme la ration. Telle fut l’idée qui lui dicta les articles qu’il publia