Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un esprit plane sur ces collines sombres et solennelles. Oh ! s’il y a encore sur la terre des traces des jours écoulés, si la foi aux doux yeux et la paix ne se sont pas envolées au ciel, c’est ici qu’elles ont cherché un refuge, ici qu’elles se plaisent à demeurer, enveloppant de leur douce influence les montagnes, les eaux, les vallées. » Au milieu de cette nature où leurs sentimens se purifiaient en s’exaltant, les questions religieuses soulevées depuis quelques années à Oxford, et qui excitent un si grand émoi en Angleterre, saisirent fortement leurs esprits. Ces jeunes ames passionnées pour les nobles études, éprises d’idées élevées, et tout imprégnées de sève poétique, allaient bondissantes au-devant de l’enthousiasme ; elles s’attachèrent avec ardeur aux doctrines des nouveaux théologiens d’Oxford qui rallumaient un saint prestige autour de la religion de la patrie. Ce fut ainsi que lord John Manners s’enrôla dans la chevaleresque croisade prêchée autour de cette église d’Angleterre qui cherche dans le catholicisme des titres de noblesse oubliés, et qui se retrempe en une jeunesse nouvelle. « Je me doutais peu, dit lord John Manners lui-même dans la jolie pièce de vers où il rappelle ce souvenir qu’il unit au nom de Windermere, lieu doublement poétisé par le séjour de Wordsworth, je me doutais peu, lorsque je vins pour la première fois parmi ces puissantes montagnes, que ces flots de hautes pensées dussent y jaillir ; je me doutais peu que ces lacs bleus, si calmes à mes pieds, m’engageraient dans une cause que je n’abandonnerai jamais. »

Je crois pouvoir signaler là avec précision l’origine des tendances qui sont entrées dans l’agitation politique avec la jeune Angleterre On voit clairement, ce me semble, dans les poésies de lord John Manners, que la jeune Angleterre est en politique une dérivation du mouvement religieux qui prenait naissance, il y a douze ans, à l’université d’Oxford. Cette école catholique d’Oxford, autour de laquelle rayonne aujourd’hui avec éclat la vie intellectuelle de l’Angleterre, a elle-même reçu des circonstances politiques l’impulsion qui l’a portée si loin. La situation morale de l’église d’Angleterre, comparée à ce qu’elle était il y a douze ans, présente aujourd’hui un remarquable contraste. On était alors sous le coup de l’émancipation des catholiques ; les idées utilitaires, et le libéralisme philosophique, victorieux par le triomphe du, bill de réforme, poursuivaient une marche, ascendante ; les vieux privilèges de l’église, déjà entamés, voyaient s’amasser contre eux des menaces plus redoutables encore ; une commission parlementaire créée pour veiller aux affaires ecclésiastiques, mais dans laquelle les laïques étaient en majorité, semblait porter