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séance du divan, elle se résoudra au mariage. Turandot accepte les conditions. Voici l’énigme de Calaf : « Quel est le prince qui a été réduit à mendier son pain, à porter de vils fardeaux pour soutenir sa vie, et qui parvenu tout à l’heure au comble de la félicité, plus malheureux qu’il n’a jamais été ? » Calaf, à Pékin, éloigné de ses états perdus, pense que Turandot ne pourra jamais savoir son nom ; mais il a affaire à la plus rusée des femmes. La nuit vient. Calaf, retiré dans un appartement que l’empereur lui donne, s’endort sur une ottomane. L’eunuque Truffaldin, dévoué à Turandot, arrive à pas de loup, tenant à la main une branche de mandragore qu’il pose sous l’oreiller du dormeur afin de le faire parler en rêvant. Calaf s’agite, change souvent de posture. Truffaldin attribue ces mouvemens à la vertu de la mandragore. Il imagine d’interpréter chaque geste par une lettre de l’alphabet, et compose ainsi un nom ridicule qu’il court bien vite porter à sa maîtresse.

Après la sortie de Truffaldin, Adelma paraît. Elle réveille Calaf et lui déclare son amour avec une délicatesse mêlée de passion que Gozzi pouvait mieux exprimer qu’un autre, étant plus habitué à recevoir des déclarations d’amour qu’à en faire. Son séjour en Dalmatie l’avait exercé à traiter une scène de ce genre. La défiance de Calaf s’endort ; il compatit à la faiblesse d’Adelma : « Vous êtes perdu, lui dit la perfide créature ; Turandot a ordonné votre mort, et demain, au point du jour, vous serez assassiné. » À ces mots, le prince, au désespoir d’avoir inspiré tant de haine à sa maîtresse, s’écrie : « O malheureux Calaf ! ô Timur, mon père ! voilà le dernier coup de la fortune ! » En vain Adelma offre au pauvre amoureux de fuir avec elle. Il n’a plus la force de vouloir sauver sa vie.

Sol d’amore e di morte son capace.

« Je ne suis plus capable que d’aimer et de mourir. » Adelma possède le grand art familier aux femmes de mêler le faux et le vrai. Ses mensonges sont accompagnés de larmes brûlantes et sincères. Cependant elle échoue, et ne songe plus qu’à perdre Calaf en dévoilant à Turandot le secret qu’elle vient de surprendre.

Le jour paraît. Dans son impatience d’avoir un gendre, l’empereur a déjà peigné sa barbe. On assemble le divan. Turandot arrive environnée de ses femmes. Elle est en larmes, et se cache le visage de son mouchoir, ce qui remplit de joie le vieil Altoun : « Le mariage, dit-il, la distraira. » On apporte l’autel sur lequel brûlent les restes d’un sacrifice. Aussitôt que Turandot aura avoué sa défaite, on l’unira au