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lier à la surveillance des écoles celle des ateliers. C’est une seule question sous deux faces diverses, auxquelles peut et doit suffire le même personnel. La France comptait en 1840, suivant le rapport au roi de M. le ministre de l’instruction publique, 168 inspecteurs ou sous-inspecteurs des écoles primaires. Que l’on double ce nombre, s’il le faut, mais qu’on les charge en même temps d’inspecter cette autre partie de l’éducation du peuple, qui est le travail dans les ateliers. L’Université envoie chaque année dans les départemens des inspecteurs généraux qui contrôlent et vérifient les résultats de l’inspection locale ; voilà pour le côté de l’enseignement. On prendra les mêmes garanties pour le côté industriel, et le bureau des manufactures déléguera des inspecteurs généraux qui visiteront une ou deux fois par an les fabriques de leur ressort, avec mission de résoudre, chemin faisant, les difficultés que la surveillance locale aurait rencontrées.

Cette combinaison se présente si naturellement à l’esprit, que je ne serais pas étonné de la voir adoptée dans quelque pays voisin et similaire, la Belgique par exemple, avant que l’administration française ait consenti à s’en occuper. Chaque ministère en France tend à s’isoler dans la grande unité du gouvernement ; chacun d’eux s’attribue le monopole exclusif des fonctionnaires qu’il emploie. Le ministère de l’instruction publique considérerait comme un malheur d’avoir des points de contact avec le ministère du commerce, et le ministère du commerce se prêterait difficilement, peut-être à ce partage d’attributions.

L’opinion publique fera violence, je l’espère, à des scrupules aussi peu fondés en raison. Les préfets correspondent bien avec plusieurs ministres, sans que le principe de la hiérarchie administrative en soit affecté. Les fonctionnaires de l’Université auraient mauvaise grace à se montrer plus difficiles, et ce n’est pas d’eux assurément que la résistance viendrait, car ils savent que la milice universitaire est un clergé civil qui doit, dans toute amélioration sociale, prendre l’initiative et donner l’exemple du dévouement. Ajoutons que le choix ici nous semble forcé. L’assiduité à l’école étant le véritable moyen de contrôler la durée du travail dans les manufactures, il faut bien que l’inspecteur, qui a l’entrée de l’école, ait aussi l’entrée des ateliers.

L’exécution de la loi sur le travail des enfans deviendrait ainsi d’une grande simplicité. Chaque année, les prud’hommes feraient le recensement des ateliers, et tous les mois la liste des enfans employés serait dressée par l’inspecteur, qui recevrait en même temps des instituteurs de l’arrondissement l’état nominatif des écoliers admis à l’enseignement