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rentrer dans la famille, et de goûter ce repos serein que donne l’échange des affections. L’enseignement, venant à la suite d’un travail pénible n’est qu’une fatigue de plus ; l’intelligence en profite mal, et n’en profite en tout cas qu’au détriment de la santé. Entrez vers neuf heures du soir dans une école de ce genre, et vous trouverez qu’un cinquième des enfans s’endort, pendant que les autres font effort sur eux-mêmes pour se tenir éveillés. Pour se soumettre à ces tortures quotidiennes, il faut être dévoré de la soif de connaître, ou sentir l’aiguillon pénétrant de la nécessité. Les écoles du soir sont un expédient transitoire, le correctif d’une société relativement ignorante, mais elles ne sont pas absolument un bienfait ; si l’instruction primaire se généralise en France, dans trente ans nous n’aurons plus besoin de cet enseignement supplémentaire ; aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous en passer.

Ces exigences du temps présent, ces lacunes d’un enseignement à peine fondé depuis dix années, voilà ce que le conseil municipal a méconnu. Il a raisonné comme si tous les enfans au-dessous de douze ans recevaient ou pouvaient recevoir à Paris l’instruction primaire, et comme si tous ceux qui ont dépassé cet âge l’avaient vues s’établir à leur portée Or, il n’y a place dans les écoles communales que pour trente-six mille enfans des deux sexes, depuis six ans jusqu’à quinze, fraction bien minime assurément du million d’habitans qui peuple la métropole. J’e n’examine pas dans quelle proportion est le nombre des enfans admis, s’il représente le quart, le tiers ou la moitié des enfans de cet âge dans Paris ; mais il est avéré que les instituteurs communaux repoussent chaque année de nombreuses demandes d’admission, soit à cause de l’insuffisance du local, soit faute de personnel ; ceci posé, je demande de quel droit le conseil refuserait un asile dans les écoles du soir à tous les petits malheureux qui se sont trouvés exclus par son fait des écoles de jour ? N’y aurait-il pas là un véritable déni de justice ? Et quelle autorité, après tout, peut se croire assez innocente des désordres qui éclatent dans la société, pour être dispensée de travailler à cicatriser ces plaies ?

La crainte, que le conseil municipal parait avoir conçue, de nuire a l’enseignement de jour en créant un enseignement le soir, est au surplus de tout point chimérique. Les deux systèmes ne s’adressent pas à la même classe d’enfans. Il est bien rare que les élèves de l’instruction primaire fréquentent les écoles de jour passé l’âge de douze ans. À cette époque, ils font leur première communion, entrent dans un atelier, et, bien ou mal instruits, ils cessent d’apprendre. L’âge auquel