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les ouvriers obligent leurs auxiliaires à laver les planches ou les outils et à préparer les matériaux du travail, ce qui laisse à peine à ceux-ci le temps de manger. Quelques manufacturiers contraignent encore les enfans à nettoyer le dimanche matin les ateliers et les cours de la fabrique. Cette opération, que la loi anglaise prescrit de terminer le samedi soir, empiète ainsi sur le jour du repos, et cela sans qu’un pareil sacrifice obtienne la moindre rémunération. Dans d’autres établissemens, l’article qui interdit les travaux du dimanche aux ouvriers de moins de seize ans n’est point observé ; pour justifier cette infraction à la loi, on allègue que les commandes pressent, et que les adultes chargés de les exécuter ne sauraient se passer du concours des enfans. Quand les enfans ne sont pas employés le dimanche dans la manufacture, leurs parens se servent d’eux pour confectionner ou pour vendre sur la voie publique des articles de fantaisie, c’est ce que les Anglais appellent job work.

L’industrie parisienne, dépendant des caprices du luxe et des variations de la mode, n’a pas la même régularité que celles qui fournissent les produits de grosse consommation. Elle travaille par saccades, plus laborieuse qu’aucune autre ou plus inactive, selon la saison. L’ouvrier de Paris demeure des mois entiers sans occupation et sans salaire ; le reste de l’année, on l’emploiera quinze à dix-huit heures par jour, quelquefois le jour et la nuit sans interruption. Accoutumé à ces efforts extraordinaires, il demande souvent lui-même prolonger le travail pendant la nuit du samedi et la matinée du dimanche, afin de se livrer à l’oisiveté et de vivre dans les cabarets jusqu’au mardi suivant. Voilà les habitudes dont les enfans sont victimes ; voilà les désordres qu’il faut réprimer, sinon dans le sanctuaire même de la famille tout au moins dans les ateliers ouverts à l’action de la loi. Si la machine industrielle, dans les momens où l’on en force les rouages, ne peut pas se passer de l’assistance des enfans, eh bien ! que le mouvement s’arrête : il vaut mieux condamner les adultes au repos dans l’intérêt bien ou mal entendu des adultes, en priver les jeunes ouvriers.

Mais si la clause limitative qui détermine la durée du travail pour les jeunes ouvriers des manufactures est plus ou moins respectée dans son application aux enfans de douze à seize ans, on peut affirmer que les enfans de huit à douze ans n’en ont pas, jusqu’à cette heure, éprouvé le bienfait. Dans les fabriques de papiers peints, ou les enfans au-dessous de douze ans ne sont pas admis, ou bien quand le fabricant les admet, ils travaillent tout autant que les adultes. Dans les