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durée du travail, l’instruction rendue obligatoire, enfin les moyens de contrôle et de surveillance donnés à l’état. Dans ces élémens divers de la réforme, le législateur s’est notablement écarté des principes admis en Angleterre. Le domaine de la loi française a beaucoup plus d’étendue ; il ne s’arrête pas aux manufactures mues par la vapeur ou par une force hydraulique, et il embrasse encore les ateliers où plus de vingt ouvriers se trouvent réunis. L’âge de l’admission est huit ans, comme dans l’acte voté cette année même par le parlement britannique ; mais les Anglais n’accordent que six heures et demie de travail par jour aux enfans de huit à douze ans, tandis que la loi de 1841 leur alloue huit heures. De douze à seize ans, la durée du travail est de douze heures, la même dans les deux pays. Les enfans de la première catégorie doivent fréquenter une école publique ou privée ; ceux de la seconde sont tenus de prouver qu’ils ont reçu l’instruction primaire ou de suivre, dans le cas contraire, une école que la loi ne désigne pas. Quant à la surveillance exercée par le gouvernement, la loi se borne à déclarer qu’il nommera des inspecteurs qui pourront visiter les ateliers et dresser procès-verbal des contraventions.

Il y a deux systèmes d’inspection : l’inspection gratuite qui ne pouvant être confiée qu’à des hommes de loisir, semble promettre plus d’impartialité et plus d’indépendance, et l’inspection salariée qui, impliquant une responsabilité plus entière, enchaîne davantage le fonctionnaire public à l’accomplissement de ses devoirs. Le gouvernement britannique, dans une contrée où l’aristocratie est cependant prépondérante, n’a pas pu pouvoir confier une mission aussi laborieuse que le patronage industriel des enfans pauvres à des agens qui seraient vis-à-vis de l’état sans autre lien que leur dévouement, et dans un pays essentiellement démocratique comme la France, où la division des fortunes rend ce genre de sacrifice à peu près impossible, on a le courage de faire de l’inspection des manufactures un mandat sans rétribution !

Il est vrai que l’administration cherche à suppléer à la qualité par le nombre. Le département de la Seine a compté, dès le principe, Cinquante-deux inspecteurs dont trente-deux pour la seule ville de Paris et vingt pour les arrondissemens situés extrà lyris. Chacun de ces fonctionnaires doit visiter tous les mois les manufactures de son ressort ; mais combien en trouverait-on qui remplissent cette formalité, tout insignifiante qu’elle est ? combien qui connaissent, qui aient vu même les ateliers sur lesquels leur droit de contrôle s’étend ?

Un recensement général des manufactures et des ateliers sujets à la