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prix de quels labeurs persévérans doit s’acheter l’honneur de prendre rang parmi les historiens de la France. Peut-être M. de Genoude ne s’est-il pas rendu un compte exact de la grandeur de l’œuvre qu’il vient d’aborder avec une sorte d’exaltation. En effet, il dédie son livre à la France elle-même. « Je vous dédie ce livre, ô ma patrie, ô noble France. » Et à la fin de sa dédicace, M. de Genoude s’écrie : « J’ai essayé pour vous, ô ma patrie, ce que nul écrivain n’avait tenté jusqu’ici. On vous a donné l’histoire de vos rois, de vos guerriers, de vos hommes d’état ; j’ai entrepris de publier la vôtre, celle de vos principes, de vos sentimens et de vos mœurs. » N’est-il pas bizarre que M. de Genoude oublie la glorieuse initiative prise, il y a vingt-quatre ans, par M. Augustin Thierry pour renouveler l’histoire de France ? Mais il a tant d’enthousiasme, qu’il en perd la mémoire. Cet accès ne dure point, il est vrai. Dès les premiers pas, cet écrivain qui entreprend ce que nul n’avait tenté avant lui appelle à son secours toutes les autorités connues en matières d’histoire de France : c’est passer rapidement d’un extrême orgueil à une modestie édifiante. A la fin de sa préface, M. de Genoude cite les paroles que Rollin adressait au public quand il fit paraître son Histoire romaine : « Je n’ai point dissimulé, disait Rollin, que je faisais beaucoup d’usage du travail de ceux qui sont venus avant moi, et je m’en suis fait honneur. Je ne me suis jamais cru savant, et je ne cherche point à le paraître, je n’ambitionne même pas le titre d’auteur. » A quoi songe M. de Genoude de s’approprier une pareille simplicité ? Elle pouvait convenir à ce bon Rollin, qui ne songeait qu’à se rendre utile à la jeunesse : au premier moment, elle nous a surpris dans un homme dénonçant à la France qu’il se lance dans des voies nouvelles. Toutefois nous n’avons pas tardé à comprendre pourquoi M. de Genoude changeait si complètement de ton. Il a fait dans le volume qu’il nous donne aujourd’hui un emploi si fréquent de ses devanciers, qu’il a cru devoir s’expliquer sur ce point. C’est à cette occasion qu’il s’appuie de l’exemple de Rollin ; mais ici même la fierté native de M. de Genoude reparaît, et avant de citer le passage du digne recteur, il écrit pour son compte cette phrase altière : « Tout ce qu’ont fait mes devanciers m’appartient, puisque tous ont voulu qu’il existât une histoire de France complète et digne du sujet. » C’est en vertu de cette maxime qu’une préface de soixante-seize pages se compose pour moitié de citations empruntées à M. Augustin Thierry, à M. Guizot, à M. de Sismondi, au président Henrion de Pansey, à Target, à d’Éprémesnil, à Mirabeau, à l’Encyclopédie, à l’Histoire des Francs de M. de Peyronnet, à l’Introduction au Moniteur de 89.