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de Grenade, dans la seule peinture arabe qui représente des figures humaines, on aperçoit les membres du divan combinant avec leur émir quelques beaux projets d’algarade. On admire en même temps que leur mine résolue et hautaine la singulière et capricieuse élégance de leurs vêtemens, leur jaquette fermée comme une cotte d’armes, leur cafetan que serre au milieu du corps une ceinture rouge à glands d’or, leur burnous dont le capuchon retombe sur l’épaule avec une si gracieuse négligence, leur turban retenu aux tempes par une foule de bandelettes de mousseline ou de laine cramoisie. Leur costume s’est maintenu au Maroc, mais seulement à la cour, dans les villes principales, dans les plus grandes maisons. Partout ailleurs la sandale d’un cuir lustré est remplacée par la babouche, le turban par le bonnet rond, le burnous par le kaïk, une grande pièce de laine où l’on s’enveloppe Dans les plus hautes vallées de l’Atlas, on renonce même au bonnet et à la babouche, les montagnards ont presque toujours la tête nue et rasée, ou, pour mieux dire, ils se coupent les cheveux avec le tranchant de leurs poignards, abandonnant au vent une mèche qui, au milieu de la tête, atteint sa longueur naturelle. Ils ne revêtent le kaïk que dans les grands jours, quand ils vont à la guerre, ou bien encore quand leurs affaires les appellent dans les villes de la plaine. Dans les villages ou plutôt dans les douairs, le costume se réduit au pagne ou au caleçon. Aussi, une semaine environ après leur naissance les enfans sont-ils exposés au soleil, dans des paniers d’osier ou de paille, jusqu’à ce que leur peau soit brunie, hâlée durcie, jusqu’à ce qu’ils puissent affronter les intempéries des saisons, et au besoin dédaigner l’usage des vêtemens.

Le costume des femmes ne s’est pas moins altéré que celui des hommes ; il s’est dégradé, comme avant la vieillesse se dégrade leur mélancolique ou ardente beauté. Les femmes du Maroc sont presque toutes de taille moyenne ; presque toutes ont le teint brun, les yeux noirs, grands, expressifs, les cheveux noirs, les traits doux et réguliers, la physionomie ouverte, la main délicate et nerveuse, le pied petit ; mais, comme dans l’intérieur des maisons, où elles se livrent aux plus rudes travaux domestiques, elles ne portent jamais, de chaussures, elles ont bientôt le pied déformé, rugueux, aplati. Leur chevelure même, la plus belle peut-être que type féminin ait portée, ne demeure que fort peu d’années noire, lustrée, chatoyante. Arrivées à une certaine époque de leur vie, qui est précisément le plein développement de leur beauté et de leur jeunesse ; les femmes du Maroc teignent leurs cheveux de couleurs diverses, formées de substances corrosives, qui les brûlent, les roussissent et les font enfin complètement disparaître.

Ce brillant costume des odalisques, dont le théâtre européen a si souvent montré les magnificences, les riches Marocaines ne le portent que dans les cérémonies solennelles, dans ces grands jours où elles font scintiller et ruisseler sur elles toute sorte de diamans et de perles, et se chargent, plutôt qu’elles ne se parent, de cordons d’argent ou d’or, de pendans d’oreilles, de bagues, de bracelets, de colliers. La dernière heure de la fête vient-elle à