Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglais ; il défendait avec la plume du publiciste les opinions que Mounier et Mallouet soutenaient à la tribune. Enfin, en Angleterre même, un orateur et un écrivain de génie, Edmond Burke, se mit à attaquer notre révolution, la grande charte à la main, et, par une polémique pleine d’éclat, il fit comprendre à l’Europe entière quel génie différent les deux peuples portaient dans leurs expériences politiques.

Cependant la cause de la vieille monarchie française n’était pas défendue en vertu des principes qui en étaient le fondement. Louis XVI avait trouvé de courageux avocats jusqu’au pied de l’échafaud, et le gouvernement séculaire dont il avait été le dernier représentant s’écroulait sans qu’une voix s’élevât afin d’en tenter l’apologie. Pour l’honneur de la nature humaine, ce silence ne dura pas. Il y a dans les catastrophes historiques, dans la chute des grands établissemens, dans le spectacle de leurs ruines, quelque chose qui agite l’esprit, le remue, le féconde. Il est frappé, mais non pas accablé. Deux hommes, au moment où la civilisation monarchique de la France périssait au milieu des tempêtes, se prirent d’enthousiasme pour elle ; ils voulurent venger tout ce passé, et en célébrer la sagesse antique et profonde. En 1796, M. de Bonald publia à Constance un traité politique en trois volumes ayant pour titre : Théorie du Pouvoir politique et religieux. En 1797 paraissaient à Bâle et à Londres les Considérations sur la France, de M. de Maistre, livre d’une brièveté éloquente. Presque toute l’édition de l’ouvrage de M. de Bonald fut envoyée en France et saisie par la police du directoire, qui la mit au pilon. Tandis que M. de Bonald se voyait privé aussi cruellement d’une publicité qui eût été utile à sa cause et à sa gloire, les Considérations de M. de Maistre étaient entre les mains de tous les hommes d’élite de l’Europe, et commençaient la réputation de cet énergique penseur. Elles sont trop connues pour nous songions à en parler ici, et il est juste d’ailleurs de réserver toute notre attention à l’ouvrage de M. de Bonald, qui, on peut le dire, paraît en ce moment pour la première fois. En 1796, la Théorie du Pouvoir n’eut guère que deux ou trois lecteurs, M. Necker, Laharpe et M. De Chateaubriand.

L’histoire de l’ancienne monarchie française est peut-être celle qui a le plus inspiré de théories aux publicistes et aux écrivains politiques. Il suffit de citer les noms de Boulainvilliers, de l’abbé Dubos, de Mably et de Montesquieu, pour rappeler les principaux systèmes que jusqu’en 1789 avait enfantés notre histoire. Dans nos annales, les faits constitutifs de l’ordre social, l’église, la monarchie, les parlemens, la noblesse, se produisent sous des formes si saillantes, qu’ils ont pu tour à tour