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déterminée à tout et pourtant impuissante à pénétrer dans les masses s’efforça d’exploiter. Cette conspiration se forma en 1840, à l’instant même où l’on apprit que l’Europe provoquait la France à la guerre. De 1831 à 1840, les exaltés et les modérés s’étaient séparés : les uns se réunissaient dans le carbonarisme réformé, les autres composaient les bandes de la jeune Italie, des amis des peuples, des vengeurs du peuple. L’espoir d’une guerre rapprocha les deux partis La jeune Italie portait la propagande à bord de la flotte autrichienne, dans les troupes impériales ; les comités de Malte et de Londres redoublaient d’efforts ; le parti démocratique avait des compagnies volantes sur tous les points de. l’Italie. D’un autre côté, le parti modéré, c’est-à-dire tous les Siciliens qui se souvenaient de la constitution de 1813, les Calabrais disposés à renouveler la tentative de 1821, les Romagnols décidés à revenir sur celle de 1831, se préparaient à l’action : ici les forces tenaient aux intérêts même du sol ; la propagande du parti modéré, moins aventureuse que celle du parti démocratique, était plus sûre et beaucoup plus redoutable. En 1841, Aquila se révolte inopinément, et ce malentendu ne fait que jeter cent trente-neuf accusés devant une commission militaire, qui en condamne cinquante-six et en fait fusiller quatre. Cependant la révolte conçue au moment du traité du 15 juillet devait éclater en 1843. On sait qu’au moment de l’action les Calabres restèrent immobiles. Dès-lors le parti modéré tout entier se retira de la conspiration, et le parti démocratique, réduit à ses compagnies volantes, se trouva dans l’impossibilité d’agir. Les plus hardis (bien queM. Mazzini lui-même voulût les contenir) marchèrent au combat : ils ne rencontrèrent que le martyre. Cette année, les commissions militaires de Naples et de Bologne ont déjà condamné cent soixante personnes et ordonné vingt et une exécutions. Le nom des frères Bandiera s’ajoutait, il y a quelques mois, au martyrologe de la liberté italienne. Les procès sont ouverts à Venise. Nous devons respecter les victimes, nous devons respecter aussi le secret de cette conspiration, qui s’étendait depuis Venise jusqu’en Sicile ; mais on ne peut s’empêcher de reconnaître dans cette dernière crise l’adresse et la fermeté du parti modéré : uni, compact, il agissait comme s’il avait des chambres et des électeurs. Son chef dans la Romagne préparait l’insurrection, et quand il se vit abandonné par les Cababrais, il prévint, en la contremandant, un immense désastre. Il avait poussé à la révolte un peuple irrité, et il le contenait avec non moins de bonheur, appuyé sur les ressources même de la conspiration, pour réserver les forces révolutionnaires. Le gouvernement pontifical en a été réduit à ordonner un massacre dans