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parmi ses compatriotes qui sut donner à l’échauffourée piémontaise les allures d’une révolution.

Ainsi l’insurrection des Calabres avait provoqué la révolte de Naples, et cette révolte prématurée faisait éclater l’imprévoyance et la faiblesse des insurgés. Le soulèvement de Naples hâtait le mouvement du Piémont, qui, cette fois encore, éclatait avant l’heure et ne trouvait aucun appui dans la Lombardie. La Lombardie, ayant manqué l’œuvre, laissait pleine liberté aux Autrichiens, et l’Italie centrale, malgré ses ventes de carbonari et ses griefs contre les gouvernemens, ne sortait pas de l’inaction. Naples et le Piémont se trouvaient seuls, aux deux extrémités de l’Italie, en face de l’Autriche, soutenue par la sainte-alliance, par l’Angleterre, et aidée d’un subside de 36 millions payés par le gouvernement français. Le triomphe de l’Autriche ne pouvait être douteux ; la cour de Vienne profita de l’indécision des Lombards, de la faiblesse du Piémont, de la déroute des Napolitains, du calme de l’Italie centrale, et la révolution, anéantie dans le Piémont, à Naples, en Sicile, fut indéfiniment ajournée dans le reste de la Péninsule. Cette révolution dissipa beaucoup d’illusions et montra les faits sous leur vrai jour ; elle fit surtout comprendre combien l’Autriche était forte en présence des partis politiques de l’Italie. Les carbonari avaient compté sur l’appui de la France, et ils voyaient l’Autriche, soutenue par le concours de toutes les puissances, imposer son patronage aux princes italiens. Les libéraux n’avaient vu dans la restauration du clergé, de la noblesse et des anciennes cours, qu’une situation transitoire imposée par la guerre et dont il était facile de sortir par l’insurrection ; partout ils se trouvèrent en présence de l’armée autrichienne, peu redoutable sur le champ de bataille, mais irrésistible en présence d’une population mécontente qu’il suffisait de surveiller et de contenir. Personne n’avait cru, avant cette crise déplorable, à la force et à l’habileté du gouvernement autrichien ; on avait accueilli avec le plus profond dédain ses fonctionnaires, aveugles exécuteurs d’instructions dictées à Vienne ; on avait insulté les soldats, les sentinelles, et parodié leur langage. On croyait le gouvernement de l’Autriche incapable d’un acte de vigueur. Les conspirateurs étaient pleins de confiance dans leurs propres forces, pleins de mépris pour leurs ennemis. En 1821, il se trouva tout à coup que les carbonari ne pouvaient pas soulever un seul village du royaume lombardo-vénitien ; arrêtés, condamnés, envoyés au Spielberg, ils ne voyaient pas une émeute témoigner de l’indignation publique ; entourés de sympathies, ils ne voyaient pas un bras se lever pour les défendre.