Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noir pour les funérailles. Des plaisanteries non moins lugubres se répétaient sur d’autres points ; à Modène, des mains invisibles glissaient des proclamations révolutionnaires dans les gibernes de tous les soldats : mille symptômes jetaient l’alarme dans les cours d’Italie. La constitution espagnole était le mot d’ordre des révolutionnaires italiens. Le sens de ce mot variait dans les divers états : dans la Romagne, on voulait la suppression du gouvernement temporel de l’église ; à Gênes, la restauration de la république ; en Lombardie, l’expulsion des Autrichiens ; la Sicile et les Calabres en étaient à réaliser de nouveau le projet d’insurrection de 1812.

La propagande révolutionnaire des sociétés secrètes et le mouvement contre-révolutionnaire des gouvernemens devaient amener une catastrophe. En 1813, la révolution Italienne avait été encouragée par l’Espagne ; en 1820, elle fut encore provoquée par l’insurrection espagnole. Un jour, quelques régimens napolitains casernés à Nola désertent pour se joindre aux carbonari de Foggia et d'Avelino ; les Calabres se déclarent pour la constitution. Le général Pepe, très influent parmi les carbonari des Calabres, quitte Naples pour éviter une arrestation, et il entraîne avec lui le général Napoletani, un régiment de cavalerie, et quelques troupes d’infanterie. Le général Carascosa, chargé par la cour d’arrêter le mouvement, parlemente, temporise, et n’agit pas : il fraternisait avec les bonapartistes. Sur ces entrefaites, quatre carbonari se présentent au palais royal de Naples à une heure après minuit ; ils demandent à parler au roi, et ils lui intiment d’accorder la constitution espagnole, lui laissant deux heures de réflexion, la montre à la main. Le lendemain, la révolution était accomplie ; le 1er octobre 1820, le roi Ferdinand IV prêtait serment à la constitution ; le général Pepe, et les autres personnages de l’armée qui avaient provoqué ou accepté le mouvement, furent remerciés à la cour pour le grand service qu’ils venaient de rendre au pays. On convoquait le parlement : toutes les villes envoyaient à Naples leurs députés ; l’élan des provinces était unanime. Girgenti et Palerme seules faisaient exception, et demandaient un parlement sicilien. A Palerme, où les fonctionnaires napolitains résistaient à ces réclamations fédéralistes, le peuple se souleva, tua le prince de la Cattolica, se jeta sur l’artillerie, massacra les troupes napolitaines, et se rendit maître de la ville. Les prêtres et les moines combattaient avec les ouvriers et les citoyens ; on les voyait monter la garde le fusil sur l’épaule, sans quitter leurs habits ecclésiastiques. Le moine Valmica, nommé colonel, portait les épaulettes sur sa robe de capucin.