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dans l’armée autrichienne ; quelques-uns s’étaient condamnés à une sorte de mort politique. D’autres, qui étaient attachés plutôt à la pensée qu’à la personne de Napoléon, n’avaient hérité du gouvernement impérial que les principes de la révolution, l’expérience des affaires et les habitudes militaires. Ceux-ci se jetèrent dans les conspirations. Ils représentèrent au sein des sociétés secrètes le parti de l’indépendance italienne. A Milan, on les voit conspirer, dès 1815, pour relever le royaume d’Italie. A. Lecce, dans le royaume de Naples, ils prennent les armes en 1817, au moment de l’évacuation des troupes autrichiennes. Dans la Haute-Italie et dans l’Italie centrale, les sociétés libérales des Adelchi et des Adelfi, enfantées, par le libéralisme bonapartiste, se multipliaient chaque jour, tandis que les loges maçonniques qui avaient appuyé Napoléon se tournaient contre les gouvernemens légitimes et surtout contre la cour de Rome, qui les persécutait.

En 1818, le carbonarisme avait pénétré dans toutes les classes du royaume de Naples ; dans les Calabres, des communes entières étaient organisées en ventes. En 1819, les ventes s’étendaient dans la Romagne, en Piémont, en Lombardie, enveloppaient Modène, embrassaient toute l’Italie. Plusieurs loges maçoniques, les bonapartistes révolutionnaires, les conspirateurs lombards de 1815, les adelchi, les adelfi, les apofasimeni, d’autres sociétés secrètes furent entraînées dans le mouvement du carbonarisme. Les carbonari purs ne pouvaient parler de liberté sans rappeler les idées napoléoniennes, et les affiliés bonapartistes ou partisans de l’indépendance Italienne ne pouvaient agir sans faire appel à la liberté : les carbonari étaient à l’avant-garde, tandis que les bonapartistes n’étaient pas libres de choisir leur route ; seulement, par leur autorité, ils doublaient l’action des ventes. Ce fut alors la belle époque du carbonarisme, ce fut le moment des voyages mystérieux, des correspondances occultes, des conversions politiques, des avis effrayans donnés aux gouvernemens. On put juger à l’œuvre les sociétés secrètes, qui se montrèrent tour à tour imprudentes et puériles. De temps à autre, quelques sbires disparaissaient comme par enchantement, et ces essais devaient aboutir plus tard à l’assassinat de Besini, le chef de la police de Modène. Le prince royal de Sardaigne, le jour de ses noces, voyait arriver dans son palais une confrérie de capucins qui chantaient la prière des morts ; les bons pères, croyant, sur un faux avis, que la fiancée du prince était morte subitement, allaient porter la consternation au milieu d’une fête de la cour. Des négocians, également trompés, envoyaient au palais du drap