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les calderari (chaudronniers) : on en vint aux mains, des massacres semblèrent imminens. Heureusement qu’une injonction des deux cours de Vienne et de Saint-Pétersbourg réclama la destitution de Canosa : on évita ainsi les troubles, et le calme fut d’ailleurs assuré par la présence des troupes autrichiennes. Par le concordat de 1819, la cour de Naples rendit tout d’un coup à l’église sa censure, ses redevances, tous les droits abolis dans le royaume par le travail d’un siècle. Désormais l’influence du parti ultra-catholique devait peser sur tous les états italiens. Le gouvernement pontifical était rendu à ses tendances rétrogrades. Pie VII supprima le code français pour faire revivre les 84,000 lois en vigueur avant la révolution ; les anciens tribunaux ecclésiastiques remplacèrent la cour de cassation, les cardinaux succédèrent aux préfets : le monopole des prélats, l’inquisition, tout fut rétabli à peu de chose près, même la torture. Les brigands reparurent dans le royaume de Naples et dans la Romagne à la suite des gouvernemens légitimes ; le roi de Naples dut capituler avec la bande des Verdarelli (1817) ; le pontife ordonna en 1819 la démolition de la ville de Sonnino, et néanmoins les brigands continuèrent à défier les troupes pontificales.

Les passions révolutionnaires ne tardèrent pas à se réveiller en présence de la réaction absolutiste. Les violences de l’église avaient ramené le voltairianisme, les excès de l’aristocratie avaient ranimé dans la bourgeoisie la haine de la noblesse. Les révolutionnaires, après avoir protesté contre le joug de Napoléon, se voyaient soumis à la maison d’Autriche ; après avoir demandé des institutions libres, ils attendaient encore les promesses de 1814 ; après avoir réclamé la diminution des impôts, ils supportaient encore toutes les charges de la guerre au profit des classes privilégiées. Aigrie par de telles déceptions, la bourgeoisie se déclarait contre l’Autriche et les gouvernemens italiens. La censure, la police et la force armée lui défendaient toute manifestation politique, et les hommes les plus ardens se soulageaient de cette contrainte dans les séances des sociétés secrètes. Les bonapartistes et les carbonari, ennemis en 1814, maintenant enveloppés dans une même proscription, se donnaient la main sur tous les points de la Péninsule. Les carbonari, entraînés par les promesses des alliés dans la guerre contre Napoléon, se voyaient trop mystifiés pour ne pas chercher une vengeance, et leur propagande devenait franchement révolutionnaire. Les bonapartistes, après la bataille de Waterloo, avaient vu une scission s’opérer dans leur parti Les uns avaient accepté la restauration ou pris leur retraite ; plusieurs étaient entrés