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que cette politique. La cour de Rome se croyait au moyen-âge ; Venise, fidèle à ses vieilles traditions, préférait la neutralité ; le gouvernement de la Toscane cherchait des alliances, selon sa constante habitude, et s’alliait avec la France ; le Piémont suivait ses penchans militaires et livrait des batailles ; Naples flottait entre la violence et la peur. On avait tenté plusieurs fois de concilier entre elles ces tendances diverses. Le cardinal Orsini avait proposé à Rome une ligue exclusivement italienne : en 1791, la cour de Turin insistait pour l’étroite union du Piémont, de l’Autriche, de Venise et des autres puissances de l’Italie ; en 1793, le même projet d’une ligue universelle était proposé par la reine Caroline, au point de vue des intérêts napolitains : toutes ces tentatives échouèrent, et les gouvernemens étant restés dans leur isolement, l’Autriche seule livra des combats sérieux. Si on avait agi avec ensemble en secondant l’Autriche, si partout on avait immédiatement imité la cour de Naples, qui armait les basses classes, l’Italie, qui se trouvait défendue du côté de la mer par l’Angleterre, pouvait opposer à Bonaparte une armée de trois cent mille hommes soutenue par les bandes de paysans et c’est à peine si les révolutionnaires italiens auraient pu se montrer ; les gouvernemens, nous le répétons, agirent sans concert et furent renversés. Toutefois, une chance leur restait de reprendre l’avantage : on pouvait tenter une croisade contre-révolutionnaire et réaliser, n’importe à quel prix, cette ligue italo-autrichienne que Naples et le Piémont avaient si vivement sollicitée. On profita de cette chance, et la ligue se réalisa : la vieille Italie oublia ses dissensions intestines ; les royalistes s’unirent entre eux et donnèrent la main aux patriciens des républiques, aux prélats du saint-siège. Le patronage de l’Autriche, appuyée par l’Angleterre et la Russie, fut accepté sans réserve. Ainsi, bien qu’ils fussent les vaincus en apparence, les royalistes demeurèrent les plus forts en réalité. Ils pouvaient compter sur ces nobles que la république insultait, sur ces prêtres qu’elle scandalisait, sur ces masses qui s’étaient soulevées à Vérone, à Pavie, à Binasco, à Lugo, à Rome, à Naples, sur ces paysans du Piémont et des autres parties de l’Italie où les soldats français étaient assassinés. La Sardaigne appartenait encore à Charles-Emmanuel, la Sicile à Ferdinand IV ; l’Autriche se préparait à la lutte, et l’Europe se liguait contre la France.

Tandis que le parti absolutiste s’appuyait sur la coalition européenne, le parti démocratique avait pour allié le directoire. Un singulier bonheur avait marqué l’avènement de ce parti. En trois ans, on l’avait tiré du néant pour lui livrer la domination de l’Italie ; il était le