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qui se fondaient sur l’inquisition politique, en tolérant quelquefois l’assassinat. L’élan des républiques était vaincu depuis cinq cents ans, la tyrannie brillante des seigneurs avait cessé depuis deux siècles : il ne restait plus des anciens temps que la division, la ruse, le despotisme, et ces ressources gouvernementales qui avaient été mises en œuvre pour étouffer les grandes révolutions du moyen-âge et de la renaissance. Au reste, il n’y avait point d’unité, point d’Italie, point de haine nationale contre la domination étrangère, et la plus profonde dépravation régnait dans les habitudes politiques de la péninsule.

A l’apparition de l’armée française, la scène change : le despotisme éclairé des princes recule dans la voie des réformes, il s’empresse de rendre à la cour de Rome les droits qu’il lui avait enlevés. D’un autre côté, la bourgeoisie s’empare des idées nouvelles pour réclamer une transformation complète du système des gouvernemens, et comme tout lui est refusé, le libéralisme devient républicain. A peine Bonaparte était-il entré en Piémont, que des milliers de jacobins se jetaient dans les conspirations : en 1798, on comptait six mille exilés piémontais prêts au combat ; les prisons regorgeaient de révolutionnaires, et l’insurrection avortée de Domodossola livrait aux autorité piémontaises cent victimes qu’on faisait passer par les armes. Priocca, ministre de l’intérieur, s’efforçait de conjurer l’orage : il fanatisait quelques bandes de paysans, il accordait l’impunité aux assassins des Français et des jacobins ; mais ces tristes moyens ne pouvaient prolonger la lutte, et bientôt le roi de Piémont se voyait forcé d’abdiquer.

La victoire avait été plus rapide en Lombardie : les Autrichiens vaincus, le duché succomba sans résistance ; la république cisalpine triompha, grace à une génération nouvelle de révolutionnaires complètement inconnus en 1789. Bergame, Bresse, Crema, Vicence, ne tinrent pas devant le mouvement général, et se soulevèrent d’elles-mêmes contre le patriciat de Venise. Vérone voulut résister ; un capucin provoquait le peuple à délivrer l’Italie des barbares ; la populace se jetait sur les Français, sur les juifs, n’épargnait pas les hôpitaux, et tentait le pillage du trésor public. Cette échauffourée ne fit qu’attirer la vengeance de Bonaparte sur Venise, et bientôt la république se trouva à la merci des démocrates, qui la livrèrent aux troupes françaises le 12 mai 1797. L’aristocratie de Gênes succombait dix jours plus tard, le 22 mai de la même année. Soutenue d’abord par la populace, elle avait dû céder ensuite à Bonaparte, et n’opposa plus aux armées françaises que les rassemblemens des paysans d’Abaro et de