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Ni l’une ni l’autre ne sont la vraie sagesse. Il n’y a d’ailleurs aucun profit à lutter contre l’évidence. Ce n’est ni de l’habileté ni de la justice. Nous avouons pour notre part, n’avoir pas cru d’abord que le voyage du roi aurait une importance politique. Ne connaissant encore que les félicitations des aldermen, l’empressement de la foule, la réception cordiale et splendide du château de Windsor, les marques de respect prodiguées au roi par les personnages les plus illustres de l’Angleterre, nous avons dit que ces témoignages ne s’adressaient pas directement à la France. L’union entre les deux couronnes éclatait, l’estime de l’Angleterre pour le chef constitutionnel de la France était visible ; mais les sentimens du peuple anglais pour la nation française n’étaient pas connus. Rien de grand, rien de significatif, n’avait encore été exprimé sur ce point. La démarche du lord-maire, les paroles qu’il a prononcées, les manifestations du banquet de Portsmouth, la réception de la reine Victoria sur le Gomer, ont fait cesser nos incertitudes. Sans contredit, la Cité de Londres n’est pas l’Angleterre, les officiers anglais qui ont donné le banquet de Portsmouth ne sont pas l’armée britannique, et le Gomer n’est pas la France ; mais il y a dans ces démonstrations qui ont terminé le voyage du roi un caractère de nouveauté et de grandeur qu’on ne saurait méconnaître. Ces représentans de la métropole de l’Angleterre qui sortent de l’enceinte de leur ville pour complimenter un prince étranger, cet hommage inusité chez un peuple libre, ces graves paroles du lord-maire en faveur de la paix, le ton sincère et convaincu dont il proclame l’utilité d’un bon accord entre les deux pays, gage de repos et de bien-être pour l’humanité, ces sympathies pour la nation française si dignement et si chaleureusement exprimées ; ces protestations amicales, ces nobles suffrages adressés à la France par de braves officiers de la marine anglaise, empressés de saisir l’occasion de désavouer publiquement d’indignes outrages, qui ne sont pas sortis de leurs rangs ; la jeune, souveraine d’un grand peuple sanctionnant par son royal exemple ces témoignages d’estime et d’affection en venant recevoir, sous le pavillon de la France, l’hospitalité des officiers français toutes ces démarches également honorables pour la nation qui en est l’objet et pour celle qui en prend l’initiative, tout cela porte en soi une signification réelle. C’est un spectacle qui émeut, qui élève, et qui fait naître de légitimes espérances. Sans aucun doute, il est bon de se prémunir contre des illusions dangereuses ; mais ce serait pousser la prudence un peu trop loin que de considérer de semblables démonstrations comme une suite d’incidens vulgaires, qui ne sauraient influer sur les relations politiques deux pays. Nous ne portons pas jusque-là l’esprit de circonspection et de réserve.

Pourquoi les partisans sincères du gouvernement de juillet repousseraient- ils les nobles avances adressées à la nation française par le peuple qui partage avec nous dans le monde le sceptre des idées libérales et constitutionnelles ? Pourquoi les amis de la dynastie de juillet ne verraient-ils pas avec joie les hommages rendus dans un pays libre au chef de cette dynastie, au