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La prairie aux environs du Fort-Union est interrompue vers le nord par une chaîne de collines d’argile et de grès arénacé aux sommets arrondis. Ces collines, nues comme la prairie, sont couvertes d’un gazon ras ou hérissées par places des touffes épineuses du cactus ferox. Les arbres d’apparence chétive ne se rencontrent que dans quelques ravins profonds ou au bord des rivières. Le climat aux environs du Fort-Union, ainsi que dans tout le haut Missouri, est très variable et donne dans les extrêmes. L’hiver, souvent fort rude, se prolonge jusqu’en mai, puis viennent tout à coup des chaleurs excessives interrompues par des tempêtes et des coups de vents glacials. Ces bourrasques amènent la saison sèche, qui commence en juillet et dure jusque en octobre. La prairie, à cette époque, présente l’aspect d’un désert poudreux et nu. Les collines se nuancent de teintes roussâtres ; leur sol d’argile, d’un gris-bleu, prend la dureté de la pierre et ne se laisse entamer que par les racines du cactus ou de quelques arbustes épineux. Les ruisseaux tarissent ; le Missouri lui-même ne présente plus qu’un mince volume d’eau qui suffit à peine à porter les bateaux plats appelés keelboath. Les troupeaux de bisons, qui galopent à travers la prairie cherchant un peu d’herbe fraîche, soulèvent d’énormes nuages de poussière, et ne tardent pas à s’enfoncer vers le nord. A la fin de la saison sèche, tout semble frappé de mort et de stérilité.

L’hiver sévit avec la marne rigueur. Dès le milieu d’octobre, la campagne se couvre de neige, et vers le commencement de décembre le thermomètre descend à 10 et 12 degrés au-dessous du point de congélation. En janvier il tombe à 25 et même à 30 degrés Réaumur. Ces froids excessifs sont d’ordinaire accompagnés d’ouragans de neige que le vent soulève au point de remplir l’atmosphère et d’amener une complète obscurité. Si l’air est calme, le froid est plus terrible encore. L’horizon paraît trouble et comme vaporeux ; l’air, qui semble composé de particules solides et brillantes, se remplit d’iris et de parhélies ; l’eau des chutes et des cascades, que la gelée ne peut solidifier, fume comme si elle était chaude. La neige durcie se brise et rend un son clair. Les Indiens appellent le moi de janvier le mois des sept nuits froides. S’ils ont fait bonne chasse et que les vivres soient abondans, ils passent des journées entières couchés sous leurs tentes, enveloppés de fourrures et de couvertures. Si les vivres manquent, ils