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étaient garnies de mèches de cheveux des ennemis qu’ils avaient tués, ou bien des crins peints de différentes couleurs. Ces hommes beaux et forts faisaient connaître les sentimens dont ils étaient agités en riant et en montrant leur dent d’ivoire, car les modes disgracieuses et contraires à la nature, ainsi que les costumes variés des hommes blancs, n’étaient que trop faits pour offrir matière à des remarques plaisantes que les Indiens, tout simples qu’ils paraissent, formulaient d’une manière très énergique et très piquante. Ces sauvages avaient, revêtu leurs plus beaux habits, et cherchaient à paraître dans tous leurs avantages. Des hommes de taille athlétique montaient des chevaux fougueux que le bruit de la machine du pyroscaphe effarouchait, mais qu’ils domptaient facilement à l’aide de petits fouets. Les voyageurs ne pouvaient se lasser de contempler ces grands et fiers cavaliers au visage peint en rouge, et qui ressemblaient beaucoup aux Circassiens. Ces sauvages dompteurs de chevaux portaient en sautoir le précieux collier de longues griffes d’ours. Leurs robes de bisons peinte avec élégance, étaient retenues autour du corps par une courroie. La plupart montaient sans étriers, ce qui ne les empêchait pas d’être très solidement assis ; d’autres se servaient de selles qui ressemblaient au bock hongrois. Parmi les femmes qui faisaient partie de ce rassemblement, il en était quelques-unes de fort jolies, dont les yeux noirs, pleins de feu, brillaient comme des éclairs dans leur visage rouge. On a souvent comparé ces tribus indiennes aux peuplades grecques contemporaines de la guerre de Troie. La solennité dans les conseils et la férocité dans les combats, l’exaltation de certains sentimens généreux, l’héroïsme sauvage entretenu par cette guerre perpétuelle, propre à l’état de nature dans lequel vivent ces tribus, constituent seuls une analogie peu frappante, que le trait plus distinctif du caractère indien, l’enfantillage suffit d’ailleurs pour détruire. Ces fiers guerriers, ces discoureurs sentencieux sont, avant tout, de grands enfans qu’un rien distrait, préoccupe ou amuse. Ils ont tous les vices et toutes les fantaisies du premier âge, et s’ils sont cruels, vindicatifs et colères, c’est qu’à l’exemple du méchant de Hobbes, ce sont des enfans robustes.

On voit, par ces curieux détails, l’intérêt qui s’attache à la relation du prince voyageur. L’ouvrage de M. Washington Irving, qui contient le récit des premiers voyages entrepris vers l’ouest à travers l’immense continent américain, soit par Clarke et Lewis, soit plus tard par MM. Hunt, Bradbury et Nuttall, a tout le charme d’un roman. L’expédition du major Long aux Montagnes Rocheuses et le voyage du