Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus déplorable abus. Le second jour de l’entrée du pyroscaphe sur les terres des Indiens, les voyageurs furent témoins d’une de ces scènes étranges auxquelles l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses donne souvent naissance. Des Indiens Ayoways avaient fait une incursion sur le territoire de leurs voisins, les Omahas ; ils avaient égorgé six personnes et enlevé une femme et son enfant qu’ils avaient mis en vente. Le major Dougherty, chef de l’agence des tribus des Omahas et des Ayoways et chargé d’une sorte de police officieuse sur ces peuplades, débarqua sur-le-champ pour recueillir du moins les prisonniers. M. Bodmer et le major Beau l’accompagnaient. Ils trouvèrent tous ces Indiens ivres, leurs prisonniers étaient dans le même état et l’on n’en put rien tirer. Les Ayoways avaient troqué leurs couvertures de laine contre de l’eau-de-vie dont ils s’étaient gorgés, sûrs, de cette façon d’échapper aux reproches qu’on pourrait leur faire.

Les premières tribus indiennes que les voyageurs rencontrèrent furent celles des Indiens Omahas, Otos et Puncas. Les tentatives de colonisation faites dans le district des Omahas n’ont pas été heureuses. Le fort de Council-Bluffs, qu’on y avait établi en 1819 et qui pouvait contenir un millier d’hommes, a été abandonné, et ses ruines servent d’habitation à des amas de serpens à sonnettes. Le scorbut enleva dans un seul hiver 300 hommes de la garnison de ce poste militaire C’est à peu de distance de ce fort ruiné, que se trouve le poste de commerce ou comptoir, dirigé par M. Chabanné, agent de la compagnie américaine des pelleteries, qui jouit d’une certaine influence sur les Indiens du voisinage, les plus laids, les plus lâches et les plus indolens de tous ceux du Missouri.

La tribu des Omahas donna une fête aux voyageurs, qui les intéressa singulièrement, et qui avait du moins le mérite de la nouveauté. Vingt Omahas, dirigé par un coryphée d’une stature colossale, portant sur la tête un de ces immenses panaches qui traînent jusqu’à terre, et tenant à la main un arc et des flèches, vinrent exécuter une de leurs danses nationales sous le balcon du comptoir. Les danseurs, réglant leurs mouvemens sur le bruit du tambour, secouaient leurs armes en mesure et agitaient leurs massues garnies de sonnettes, tandis que toute la compagnie, dont la plupart des membres étaient peints en blanc, chantait : Haï ! haï ! haï ! ou bien : hé ! hé ! hé ! interrompant de temps en temps son chant par une grande acclamation. La danse consistait a pencher le corps en avant et à sauter en l’air avec les pieds joints, sans pourtant s’éloigner beaucoup de terre ; la sueur inondait le front des danseurs. Ils ne s’arrêtèrent toutefois que lorsqu’on eut