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donc contraints de céder au gouvernement des États-Unis le territoire qu’ils occupaient et de se retirer et où végètent encore quelques misérables restes de la grande tribu.

La vaste forêt qui couvre les Montagnes Bleues est défrichée par places. Les champs sont séparés par des clôtures en bois et servent de pâturages à de grands troupeaux dont les clochettes sont disposés en accords parfaits, comme dans les collines de la Thuringe. Les habitans étant presque tous d’origine allemande et ne s’exprimant qu’en allemand, le voyageur, plus d’une fois, put se croire dans sa patrie. Certains cantons solitaires des montagnes qui entourent le sont couverts d’une végétation admirable. Les cèdres de Virginie, entremêlés de diverses espèces d’arbres à feuilles nervées, châtaigniers et marronniers gigantesques ou frênes énormes, forment une magnifique futaie sous laquelle croît un épais taillis de rhododendron aux tiges plus grosses que le bras, de kalmia et de fougères arborescentes. C’est là que se sont réfugiés l’ours et le cerf de Virginie ; la panthère, que mistress Trollope appelle emphatiquement la terreur de l’ouest, tandis qu’il est sans exemple que cet animal ait jamais attaqué l’homme, ne s’y montre plus qu’accidentellement. Le bruit de la crécelle du serpent à sonnettes et les coups répétés du pic des bois interrompent seuls le silence de ces forêts primitives. Après avoir exploré ces montagnes et visité les districts houillers de Mauch-Chunk, si précieux pour les états du centre, et sur lesquels il donne de curieux détails, le voyageur se rendit à Pittsburgh, sur I’Ohio, et descendit ce fleuve jusqu’à Mount-Vernon, traversant rapidement Cincinnati et Louisville, où le choléra venait d’éclater. Toutes les villes et toutes les bourgades de l’Ohio et de l’Indiana étaient en proie à une affreuse panique. La population assiégeait les boutiques des pharmaciens ; chacun se couvrait le ventre de flanelle et d’emplâtres de poix. Les apothicaires ne pouvaient suffire aux demandes de camphre et de menthe poivrée ; c’était absolument comme chez nous. Les routes étaient couvertes de fuyards et les bateaux à vapeur encombrés de passagers. La maladie faisait, du reste, de grands ravages ; à Cincinnati, il mourait quarante personnes par jour. Sur le steamer qui transporta le prince Maximilien de Louisville à Mount-Vernon, un homme succomba en quelques heures. Le terme de cette première partie du voyage du prince était New-Harmony, sur le Wabash ; la saison étant trop avancée pour continuer sa route vers l’ouest, il se décida à passer l’hiver dans ce district retiré. Là du moins il échappait aux villes et aux coutumes européennes, et il se trouvait à même d’étudier