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à manger, cherchant à gagner son voisin de vitesse. Les premiers arrivés s’emparent à la hâte des mets qu’ils trouvent à leur portée ; en dix minutes, tout est dévoré. L’auteur s’étonne que, dans ces occasions, les Américains consentent à déposer leurs chapeaux, que d’ailleurs ils ne quittent que lorsqu’ils se trouvent dans la société des femmes. Toutefois, si les formes sont grossières, l’enveloppe est propre et soignée ; les gens du peuple même sont vêtus avec élégance. Les petites bourgeoises qu’on voit aux fenêtres ou devant les portes s’occupant des soins du ménage, sont habillées à la dernière mode. Les femmes de la campagne viennent vendre leur lait en robes de soie et en grands chapeaux de paille recouverts d’un voile. Ce goût pour la parure, qui caractérise, du reste, toutes les races mélangées, prouve à la fois l’aisance dont le peuple jouit et le sentiment d’égalité qui l’anime. S’habiller moins bien que le voisin serait lui reconnaître une certaine suprématie qu’avec une fortune médiocre on peut encore lui disputer. On se résignera, s’il le faut absolument, à être moins élégamment et moins commodément logée mais on ne renoncera pas si aisément à lutter avec lui de recherche dans la parure. Le besoin d’égalité, dans cette occasion, peut se satisfaire à moins de frais.

La campagne, aux environs de Boston, a généralement le caractère européen ; si les arbres étaient moins nombreux et si les espèces à feuilles aciculaires ne dominaient pas, on pourrait se croire en Angleterre. Les oiseaux, d’espèces variées, qui habitent les bois, sont néanmoins tout-à-fait différens de ceux d’Europe, et suffiraient seuls pour donner au paysage une physionomie nouvelle et tranchée. Le tangara pourpre, le baltimore couleur de feu, le troupial noir et rouge, voltigent d’un arbre à l’autre ; l’écureuil strié court sur les haies ou s’élance de branche en branche avec la rapidité de la flèche, et anime singulièrement le paysage.

La description du musée de Boston, New England Museum, nous donne une idée assez exacte de l’indifférence de ce peuple de spéculateurs et de planteurs pour tout ce qui touche aux arts et aux sciences naturelles. « Cet établissement ne répond nullement à l’attente des étrangers, nous dit le voyageur. Tous les prétendus musées des grandes villes des États-Unis, à l’exception peut-être de celui de Peale à Philadelphie, ne sont que des ramassis de toutes sortes de curiosités hétérogènes dont le choix est souvent fort étrange. Dans celui-ci on trouve à la fois des productions naturelles, des figures en cire horriblement mal faites, des instrumens de mathématiques et autres, de mauvais tableaux, des caricatures, et jusqu’aux planches coloriées des journaux de mode de l’Europe, le tout exposé ou suspendu pêle-mêle.