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dans l’unité moscovite ses provinces d’Occident. Ainsi, tandis que les Slaves orientaux, favorisés par la nature vierge de leur sol et par l’indépendance politique, iront en grandissant, les Slaves latins, au contraire, resserrés dans des provinces déjà très peuplées, et limités, sinon entamés, à la fois par la Russie et par l’Allemagne, ne peuvent plus augmenter beaucoup.

Le dualisme qu’on voudrait voir se conserver dans le monde gréco-slave n’est donc plus qu’un rêve du passé. L’antique rivalité entre les Slaves grecs et les Slaves latins après avoir causé tous les malheurs des uns et des autres, après les avoir fait plier sous le germanisme, et avoir, retenu la Pologne dans une perpétuelle anarchie, cette rivalité s’est enfin terminée par la mise en tutelle des défenseurs de l’Occident. Aujourd’hui leur minorité est trop marquée pour qu’ils puissent jamais redevenir dominateurs vis-à-vis de leurs frères orientaux. Il n’y a donc plus d’antagonisme au sein de la race gréco-slave ; elle est arrivée à son unité morale ; elle est devenue la personnification de l’Orient chrétien. Cet Orient sera désormais grec et slave, comme l’Occident est latin et germanique.

concluons que, si des différences de climat, de position géographique, de développement industriel, rendent nécessaires, chez les Gréco-Slaves, des nationalités distinctes et des gouvernemens indépendans, ces états divers appartiennent cependant tous plus ou moins au même système. S’ils peuvent encore avoir entre eux des guerres d’intérêt, des querelles de frontière, ils ne pourront plus se faire de ces guerres d’idées, comme celles que le latinisme fomenta si long-temps entre la Pologne et la Russie. Beaucoup d’esprit s’en affligeront, parce qu’ils verront dans cette impossibilité démontrée le triomphe de l’idée russe. Nous y voyons le contraire. Dès que la Pologne renoncera à sa politique latine et agira comme gréco-slave, elle aura pour alliés tous ceux des Gréco-slaves dont l’intérêt national n’est pas la grandeur du tsar. On objectera l’infériorité relative de toutes ces nations vis-à-vis de la nation russe. Cette infériorité n’est pas telle qu’on voudrait le faire croire. En se tournant à l’Orient, en confondant leur cause avec celle de l’émancipation des peuples orientaux, les Bohêmes et les Polonais détacheraient par là même de la nationalité russe les 13 millions de Russines qui les entourent, et qui, par leurs souvenirs, leurs goûts, leurs tendances sociales, sont aussi hostiles à l’autocratie que la Pologne elle-même. En outre, la Hongrie, jointe à la Turquie slave, renferme 20 millions d’hommes ; la Grèce et ses annexes, 10 à 12 millions. Ces diverses nations, prises ensemble,