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qu’avec l’aide de la Grèce. Sous peine de rester une nation secondaire, ils devront se confédérer avec l’Hellade. Cette nécessité, les Serbes l’ont déjà reconnue ; c’est au Maghyar de la reconnaître à son tour, et de combiner en silence son mouvement révolutionnaire avec celui des Hellènes encore asservis de l’empire ottoman. Le Maghyar et le Serbe avec leur ardeur guerrière et politique, et l’Hellène avec ses instincts profonds de diplomate et de commerçant, se complètent mutuellement, et peuvent devenir par leur union les arbitres de l’Orient. Une fois mise en état d’écouler tous ses produits par son union douanière avec les états danubiens et la Grèce, cette féconde Hongrie, qui nourrit déjà 13 millions d’habitans, en compterait, dans un demi- siècle, au-delà de 30 millions, qui, unis par tous leurs intérêts aux populations de l’Orient grec et turc accrues en proportion, présenteraient une masse d’hommes supérieure, même numériquement, aux masses entassées de la Russie.


IV.
LES BOHÊMES

De même que du côté du sud la Grande-Illyrie confine à la Grèce, dont elle est l’alliée et la sœur primitive, de même par le nord elle tend la main à la Bohême, qu’elle considère comme une émanation de son sein. En effet, les plus anciennes légendes illyriques, célèbrent Krapina (la forteresse) comme l’asile sacré où Iliria allaitait ses trois fils, Tchekh, Lekh et Rouss, pères des trois grandes nations tchéquo-slave, lèque et russe. Les ruines de Krapina existent encore sur des rochers, au-dessus d’une petite ville, dans la Zagorie croate. C’est là, disent les mythes politiques de l’Orient, qu’Iliria, néophyte de Cadmus, initiée par lui aux mystères phéniciens, et à toutes les sciences asiatiques, éleva Tchekh, Lekh et Rouss, et quand elle les eut instruits dans tous les arts de la vie civile, elle les envoya coloniser le nord encore vide d’habitans. Ils donnèrent naissance aux trois grandes nations slaves d’au-delà du Danube, rattachées par leur mère, la classique Illyrie, à l’hellénisme et à Cadmus.

Combien cette généalogie, d’un caractère si biblique, ne diffère-t-elle pas des idées intronisées en Europe par les savans d’Allemagne ! Combien de longues et systématiques histoires écrites pour prouver l’invasion de l’Illyricum par les Slaves du nord, à la chute de l’empire romain ! On suppose, toujours sans preuves, que cette invasion fut la