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maintiendra toujours. Comment pourrait-elle périr, cette Grèce qui s’adosse du côté de la terre aux gorges impénétrables de l’Olympe et de l’Agrapha, et qui a devant elle, comme autant d’alliés terribles contre l’attaque des grandes flottes, les innombrables écueils de ses mers ? Cette Grèce, aujourd’hui si calme, peut au besoin lancer contre ses ennemis des nuées sans cesse renaissantes d’intrépides corsaires ; même conquise, elle peut, à l’aide de ses klephtes, harceler, décimer, épuiser enfin l’armée conquérante la plus nombreuse. L’Hellade ne montre aujourd’hui aucune impatience, aucune précipitation, elle attend l’avenir avec confiance, car elle n’ignore pas que ses destinées ne peuvent lui échapper.

Les provinces habitées par le peuple grec doivent à leur admirable position de pouvoir regarder comme auxiliaires, et pour ainsi dire comme annexes fédérales, de grandes régions adjacentes plus étendues que la Grèce elle-même. Ces vastes régions, par le désavantage de leur situation géographique, resteront privées à jamais de débouchés commerciaux et d’influence politique dans le monde, si elles ne s’unissent à la Grèce. En tête de ces états, associés naturels de l’état grec, il faudrait placer l’empire du sultan si, réduit à ses limites naturelles, il n’embrassait plus que les provinces musulmanes de l’Anatolie et la Thrace, seule partie de l’Europe réellement habitée et exploitée par le peuple osmanli. Cette enceinte sacrée de la race turque serait encore politiquement imposante, encore impériale, puisqu’elle aurait l’étendue de la France, et renfermerait les villes de Stambol, Broussa et Andrinople, qui valent à elles seules de riches provinces. La seconde annexe fédérale du futur état grec est la Dacie ou Roumanie, composée des deux principautés moldave et valaque coalisées ensemble. Placée au confluent des deux races slave et grecque, la Roumanie est le nœud qui doit les unir, le champ neutre où elles peuvent se donner rendez-vous. Dès à présent, une union intime avec Constantinople, et plus tard avec la Grèce tout entière, est la seule issue laissée aux deux principautés pour échapper au blocus politique et commercial de l’Autriche et de la Russie. Outre les deux états osmanli et moldo-valaque, pour qui l’union douanière avec la Grèce est presque une nécessité d’existence, il y a encore deux grands pays où le commerce et le génie grecs n’ont pas cessé, depuis la plus haute antiquité d’exercer une influence prépondérante ; ces deux pays sont l’Anatolie et la Syrie, habitées par deux nations chrétiennes, les Arméniens et les Syriens. Impuissans les uns et les autres à se maintenir comme nation isolée, ils ne sortiront de l’esclavage qu’en devenant