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l’Italie. Toutes les Alpes orientales jusqu’au Tyrol sont aujourd’hui habitées par les plus antiques tribus slaves ; leurs rejetons couvrent l’Autriche presque entière, et les quelques millions d’Allemands de cet empire sont de plus en plus entraînés dans le mouvement slave. Ce mouvement a pénétré jusque dans la Prusse, dont il agite les provinces orientales ; il s’empare irrésistiblement des Moldo-Valaques ; la race ottomane, avec ses trois millions d’hommes, se perd comme une goutte d’eau dans cet océan de nations, et le sultan ne règne plus, on peut le dire, que par la grace des Gréco-Slaves.

Les qualités si diverses de ces peuples permettent d’en dire les choses en apparence les plus contradictoires. Ce sont les plus mobiles et les plus persistans, les plus durs et les plus doux, les plus indomptables et les plus dociles des hommes. Grâce à ce caractère complexe, la race gréco-slave est peut-être de toutes les races la plus capable de mener à bien les entreprises de colonisation ; aussi n’en est-il pas qui occupe une aussi vaste étendue de terre. De tous les Européens, le Gréco-Slave est l’homme qui peut supporter le plus de fatigues, le plus de souffrances sans en être accablé. Voyez en Pologne et en Orient avec quelle noble sérénité il endure des tourmens et des privations inouïes. Les plus grandes diversités de climat, les changemens les plus brusques de température, lui sont chose familière. Depuis la mer de glace du pôle jusqu’aux mers de sable ardent de la Syrie, de ce Slave polaire, qui a sa hutte aux limites de la nature vivante, quoique établi à plusieurs mille lieues du Bosphore, comprend néanmoins son frère le Bulgare de la Thrace beaucoup mieux que le Provençal ne comprend son frère d’Italie.

Kiöv, la première capitale des Russes libres, et Athènes, la nouvelle capitale des Grecs affranchis, sont assises aux deux extrémités d’une même chaîne de montagnes : sous mille noms divers, le groupe des Karpathes, berceau des Gréco-Slaves, après avoir lancé en Macédoine et en Bulgarie ses plus hautes cimes, franchit le Danube, et va répandre sur la Volhynie, la Gallicie, la Podolie, l’Ukraine, ses dernières ramifications septentrionales, qui correspondent dans le sud aux chaînes brisées des Thermopyles, de l’Attique et de la Morée. Ainsi les mêmes montagnes qui, dans le nord, aboutissent aux campemens des Kosaques, vont au sud expirer sous les murs de Lacédémone. Quelle unité, et en même temps quels contrastes infinis dans le développement physique du monde gréco-slave !

Quoi de plus délicieux que le climat grec ? Quel plus doux milieu