Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. le ministre des affaires étrangères pour la jeune diplomatie. Ces préférences ont éveillé déjà bien des craintes.

Les questions extérieures, depuis trois mois, ont fait tous les frais de la inique ; les questions intérieures ont complètement disparu. La loi sur l’enseignement, la dotation, ont été pour ainsi dire oubliées. Nous pensons que ces questions graves seront bientôt remises sur le tapis. D’abord, en ce qui concerne la dotation, il est permis de supposer que le projet si singulièrement annoncé il y a trois mois, loin d’être abandonné aujourd’hui, est devenu au contraire l’objet d’une prédilection plus vive. En s’y prêtant un peu, la gloire de nos armes dans le Maroc et le voyage de Windsor ne peuvent-ils pas servir d’argumens ? Il faudra donc bientôt que le Moniteur ouvre ses colonnes à une série d’articles sur la dotation, et que M. Guizot se prépare à lutter contre la polémique des journaux. Nous avons déjà dit ce que nous pensons de ce merveilleux système de discussion ; nous n’y reviendrons pas aujourd’hui. La discussion de la loi sur l’enseignement sera une affaire plus sérieuse. Le cabinet a songé un instant à la retirer. C’eût été le moyen le plus commode de terminer le débat ; mais la prudence a fait écarter ce dessein arbitraire. Nous verrons donc le ministère du 29 octobre soutenir son projet de loi sur l’enseignement contre les opinions de la majorité, défendues ; par M. Thiers. Nous assisterons aux perplexités de M. le ministre de l’instruction publique, heureux en secret de voir triompher sa cause, et malheureux de ne pouvoir la soutenir lui-même. Nous verrons enfin M. le garde des sceaux et M. Villemain forcés de s’entendre et d’accorder en apparence leurs convictions pour répondre aux argumens de l’ancien chef du 1er mars. Ce sera sans doute un spectacle fort divertissant pour M. Guizot.

La reine d’Espagne a ouvert le 10 la session des cortès. Leur composition offre un ensemble remarquable. Elles renferment des hommes éminens, des orateurs et des écrivains célèbres, des citoyens qui ont rendu de grands services au pays. Les diverses classes de la société espagnole y sont représentées ; on y voit des généraux, des nobles, des propriétaires ruraux, des avocats, des fonctionnaires, des savans et des gens de lettres. On y comte fort peu d’industriels, de commerçans et de banquiers L’immense majorité des nouvelles cortès appartient au parti modéré, pour lequel va commencer une redoutable épreuve. Jusqu’ici, depuis le rétablissement du régime constitutionnel, tous les partis vainqueurs, en Espagne, se sont divisés. Tous ont perdu promptement, par des dissensions intestines, les avantages de leur position. Les modérés de 1844 sauront-ils former un parti compact, homogène, capable de seconder l’action du gouvernement, et de lui prêter un énergique appui dans toutes les mesures nécessaires à la régénération de l’Espagne ? Il est permis d’en douter, ou du moins de croire que ce résultat se fera attendre long-temps. Déjà, avant même que les cortès fussent assemblées, les réunions préparatoires ont montré les petites passions, les jalousies, les ambitions mesquines, les rivalités égoïstes, qui ont travaillé