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d’avoir abandonné depuis quatre ans la vraie politique du gouvernement de juillet dans les affaires extérieures, c’est-à-dire la politique du juste-milieu, dont les principes sont tout aussi applicables aux affaires. du dehors qu’à celles du dedans. La ligne que le ministère devait suivre au dehors avait été nettement tracée par la majorité des chambres. Son rôle, à l’égard des alliances, était d’agir avec réserve, de garder sa liberté sur tous les points, de ne montrer aucune préférence exclusive ; au lieu de cela, il s’est porté aveuglément vers une alliance, unique ; il a joué, pour ainsi dire, toute la politique de la France sur une seule carte. Dans les difficultés diplomatiques, son rôle était de concilier la dignité avec la prudence et la justice. Il devait se montrer pacifique, mais sans démonstrations indiscrètes. Au lieu de garder cette mesure, il s’est compromis par des avances irréfléchies ; il a été imprudent et faible, et ses fautes ont amené cette paix peu digne et peu respectée, cette paix inquiète, sur laquelle il éprouve lui-même à chaque instant le besoin de nous rassurer. Les vrais amis du gouvernement de juillet déplorent cette politique et les griefs qu’elle amasse contre le pouvoir. Enfin, ils sont frappés des périls que présenterait une situation si critique au moment des élections. Que deviendraient les membres du parti conservateur, abandonnés du ministère dont ils ne pourraient plus approuver la marche, et de l’opposition, dont ils ne partageraient pas les principes ? Le parti conservateur serait-il sacrifié ? Sur quelle base s’appuierait désormais le gouvernement de juillet ? — Telles sont les réflexions que présentent dit-on, plusieurs des rapports dernièrement adressés au ministère ? On assure qu’elles ont produit une assez vive impression sur son esprit.

À peine reposé des émotions et des fatigues que lui auront données les fêtes de Windsor, M. le ministre des affaires étrangères se trouvera aux prises avec des difficultés nombreuses. En premier lieu se présenteront les nouvelles complications de Taïti, si funestes au système du protectorat, puis l’affaire du lieutenant Rose, puis celle de Malte, nouvel exemple d’un conflit entre la France et l’Angleterre. Cette affaire de Malte a passé inaperçue dans la presse ; cependant elle a vivement inquiété M. le ministre des affaires étrangères, qui a recommandé sur ce point le plus profond secret dans ses bureaux. Espérons que ce nouveau différend, né sous les auspices du voyage de Windsor, sera facilement aplani. En Orient, l’influence française a reçu un grave échec dans l’affaire de la famille Shehab ; il faut que cet échec soit réparé. L’isthme de Suez, malgré les railleries de la presse ministérielle, appelle toujours une attention sérieuse. Les entreprises récentes de l’Angleterre sur le continent américain, l’occupation du royaume de Mosquitos, et le blocus du port de Saint-Jean de Nicaragua, montrent qu’elle n’est pas très scrupuleuse sur les moyens, dès qu’il s’agit d’assurer le monopole de son commerce. On parle d’un traité commercial dont les bases seraient déjà posées entre l’Angleterre et le Brésil. Lors du mariage du prince de Joinville, on nous faisait espérer que le Brésil serait une terre privilégiée pour