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Quant au ministère, son intérêt est de se montrer modeste dans cette question ; ses véritables amis ne devraient songer qu’à le faire oublier.

Avant de partir pour l’Angleterre, le roi a signé une amnistie qui rend la liberté à cinquante prisonniers politiques. La royauté a rattaché cet acte de clémence aux divers évènemens de la côte d’Afrique. On., ne peut qu’applaudir à ce noble usage de la prérogative royale. Quant à l’importance politique de la mesure, il serait ridicule de s’en occuper sérieusement. Le ministère en a réclamé sa part : personne ne songe à la lui disputer. Il fut un temps où la politique de pardon exigeait du courage et de la hardiesse dans les conseils du gouvernement. Un homme d’état, en 1837, proposa d’arborer le drapeau de la conciliation ; il voulut mettre un terme à la politique de résistance et de rigueur ; il eut la grande pensée de montrer la force de la révolution de juillet par une amnistie. On sait quels furent les hommes qui l’accusèrent alors d’imprévoyance et qui repoussèrent sa solidarité. M. le ministre des affaires étrangères ne doit pas avoir oublié le rôle qu’il joua à cette époque. Aujourd’hui, l’expérience est faite ; chacun est rassuré. On peut sans grand péril se donner le relief de la clémence et de la générosité ; cela, d’ailleurs, peut être utile devant les chambres. On viendra leur dire qu’on a montré au dedans comme au dehors la force du gouvernement, qu’on a remporté la bataille d’Isly, et qu’on a ouvert les prisons politiques de la France : voilà les magnifiques argumens que le ministère prépare pour conquérir sa majorité.

’Bien que les chambres ne soient pas encore près de se rassembler, l’opinion commence à se préoccuper des débats qui s’agiteront dans leur sein. Là en effet sera jugée la politique du cabinet et s’éclairciront au grand jour de la tribune plusieurs questions que la presse ne peut résoudre sûrement, faute de documens authentiques Le système du ministère jusqu’ici a été de se renfermer dans un silence absolu sur les sujets les plus graves ; il n’a publié aucune pièce officielle, il n’a rien livré à la discussion. Sa défense s’est bornée aux communications incomplètes qu’il a faites à ses journaux. Sans doute la plupart de ses argumens sont connus, mais on ne connaît pas tous ceux qui peuvent être employés contre lui. Ce système de défense sera nécessairement changé devant les chambres. Aussi on attend avec un vif intérêt l’ouverture de la session prochaine. De son côté, le ministère consulte l’opinion. Des rapports destinés à faire connaître l’état des esprits lui sont adressés par les préfets, par des procureurs-généraux, par des émissaires envoyés dans les départemens. Le ministère ne s’est pas contenté de ces documens administratifs. Des notes officieuses ont été demandées à plusieurs députés et à des pairs de France. Si nous sommes bien informés, le cabinet du 29 octobre n’aurait pas à se réjouir des confidences qui lui sont faites Sa politique est accusée de fournir des armes dangereuses aux ennemis du gouvernement de juillet, et de répandre de vives inquiétudes chez les véritables amis de l’ordre et de la paix. Ces derniers reprochent surtout au ministère