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est purement de tolérance ou de convention. La valeur qu’on y donne à l’argent est du reste, sinon arbitraire, au moins factice, puisqu’on l’a sciemment et volontairement surélevée d’environ 8 pour 100. On a jugé avec raison que cette surélévation n’aurait pas les inconvéniens qu’elle présente ailleurs, parce que le cours de l’argent est renfermé dans d’étroites limites, qu’on ne le présente pas comme une monnaie régulière, mais comme une sorte de supplément conventionnel, soutenu par la confiance publique, et qu’enfin on évite d’abuser de cette confiance par de trop grandes émissions. C’est une condition toute pareille à celle de notre monnaie de billon, sauf la différence de la valeur. Au gouvernement seul appartient le droit de régler les émissions de la monnaie d’argent : il profite seul aussi de la différence de 8 pour 100 entre la valeur nominale et la valeur réelle. Tel est le système qui prévaut en Angleterre ; tel est celui qu’il faudrait adopter.

Si c’est au contraire à l’argent qu’on attribue la fonction de monnaie légale, comme il est impossible de réduire l’or à cet état secondaire d’une sorte de monnaie de billon, il faudra lui réserver un autre rôle. On le laissera donc circuler librement à l’état de lingot, et chercher lui-même sa valeur et ses fonctions. Il s’emploiera, non dans les transactions de tous les jours, où sa valeur serait peut-être mal appréciée, mais pour les gros paiemens, dans les grandes affaires, et surtout dans les relations du pays avec l’étranger. Et quand nous disons qu’il circulera à l’état de lingot, nous n’entendons pas qu’on doive s’abstenir de lui donner une forme et une empreinte, de déterminer son poids et son titre : loin de là, ces précautions ne peuvent servir au contraire qu’à le rendre plus acceptable et d’un usage plus commode pour le public ; nous disons seulement qu’il faudrait s’abstenir de déterminer sa valeur, et d’obliger à le recevoir dans les paiemens. À ces conditions, l’or deviendrait un simple auxiliaire libre de la monnaie, mais un auxiliaire élevé et puissant. Jusqu’à quel point se maintiendrait-il alors dans la circulation ? c’est ce qu’il est difficile de dire, attendu qu’aucune expérience régulière n’a été faite ; mais nous croyons qu’il y occuperait une place encore notable.

Dans chacun de ces deux systèmes, quels qu’en soient les mérites à d autres égards, on peut arriver à un régime stable et exempt d’embarras, parce que l’un et l’autre est logique. Après tout, lequel des deux faut-Il choisir ? Est-ce l’or, est-ce l’argent qui doit être l’intermédiaire légal dans les échanges ? Par ce que nous avons dit précédemment, on a déjà trop bien compris notre manière de voir sur ce sujet. Dans un pays commerçant et riche, tel que la France, c’est l’or