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au moins dans une certaine mesure, de la valeur plus haute que l’étranger lui accorde. Le mal ne serait donc pas au fond aussi grand qu’on l’a souvent supposé. N’est-ce pas assez pourtant du désordre trop réel qu’un tel état de choses engendre ? Songez donc aux perturbations qu’entraînent ces migrations continuelles des métaux : les frais de monnayage perdus, la base de la circulation changée, les relations du dedans mal établies, celles du dehors peu sûres, et, après tout, nul choix délibéré du système qui doit prévaloir ; puisque ce sont les évènemens seuls qui en décident. Frappés de ces inconvéniens, un grand nombre de publicistes en ont cherché le remède. Ils se sont tous accordés sur ce point, qu’il faut renoncer à établir un rapport légal entre les deux métaux, que par conséquent un seul d’entre eux, soit l’or, soit l’argent, doit être adopté comme monnaie régulière et légale, tandis que l’autre ne circulerait à côté de lui que comme auxiliaire ou comme subordonné.

Cette idée n’est pas nouvelle. On la trouve dans un grand nombre d’anciens écrits, surtout en Angleterre ; et il y a long-temps qu’en ce pays elle a passé dans la loi. En France même, elle s’est présentée plusieurs fois à l’examen des législateurs, et peu s’en est fallu qu’elle n’y fût adoptée, bien que sous une autre forme et dans un système différent. En l’an III, on entra si avant dans cette pensée, qu’on lui donna un commencement d’application. On décréta la fabrication de pièces d’or d’une nouvelle sorte. Le poids seul était fixé à dix grammes ; la valeur restait indéterminée, et devait être établie par le commerce. Dans ce système, l’argent eût donc été, à certains égards, la seule monnaie légale ; l’or n’aurait circulé qu’à l’état de lingots. Cependant cette loi, comme plusieurs de celles qui furent adoptées à cette époque, ne reçut pas d’exécution. On revint sur la même idée en l’an XI, quand on discuta la loi du 7 germinal, qui nous régit encore en ce moment. « Une question difficile, disait le rapporteur de la loi, est celle de savoirs si l’or doit faire fonction de monnaie ou rester marchandise, c’est-à-dire s’il aura une valeur nominale et forcée dans le échanges, ou s’il restera soumis aux variations du commerce et agent libre ? Cette question n’est point oiseuse. » Ainsi, le rapporteur de la loi de l’an XI reconnaissait dès-lors qu’un nouveau système devait prévaloir. Pourquoi n’en proposa-t-il pas l’adoption ? C’est d’abord parce que l’or, qu’il eût fallu, selon lui, réduire à l’état d’agent secondaire ou libres, était alors trop abondant et trop nécessaire dans la circulation pour qu’on pût courir le risque de l’en faire sortir ; c’est, en outre, parce qu’il ne faut, disait-il, toucher aux monnaies que dans