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1/10e ou 15 au plus. C’est le terme moyen que la France, qui se trouve au centre du mouvement des métaux, qui les reçoit du Portugal et de l’Espagne, tant pour sa consommation que pour une partie de celle du nord et du midi de l’Europe ; c’est, disons-nous, ce terme moyen qui devrait être adopté dans notre système monétaire. » M. Fr. Corbaux junior, auteur d’un Dictionnaire des Arbitrages très estimé, qui fut publié vers cette époque, atteste le même fait. Après avoir. Enoncé les rapports légalement établis dans les diverses monnaies de l’Europe, il ajoute : « Dans la valeur vénale et commerciale de ces métaux, il (ce rapport) n’est actuellement que de 14 1/10e pour 1. »

Pour comprendre ce changement si extraordinaire dans la valeur relative des deux métaux, il faut se rappeler que l’Angleterre, qui ès depuis long-temps le principal réservoir de l’or, était alors sous l’empire de cette loi de 1797, qui avait déclaré les billets de banque non-remboursables en leur donnant un cours forcé. Ces billets perdaient dans la circulation, et comme la loi obligeait néanmoins à les recevoir pour leur valeur nominale, l’or ne s’échangeait plus contre eux que d’une manière défavorable. Il était donc forcé de sortir du pays et de refluer vers les états du continent. On se souvient encore, sur le littoral de la Manche, d’avoir vu dans ces temps-là arriver en fraude dans nos ports, particulièrement à Gravelines, des chargemens entiers de guinées, qui s’échappaient des ports d’Angleterre malgré toute la sécurité des lois prohibitives. Ainsi l’or anglais venait encombrer les marchés du continent, et de la cette dépréciation qu’il subissait, dépréciation accidentelle toutefois et qui devait cesser plus tard avec les causes particulières qui l’avaient amenée.

Pour se mettre d’accord avec la situation, il eût donc fallu, en l’an XI, abaisser considérablement le rapport de l’or à l’argent. Pourquoi ne le fit-on pas ? M. Lebreton a soin de nous l’apprendre. « Dans les motifs, dit-il, qui nous ont décidés à ne pas demander qu’une proportion mieux calculée fût établie entre l’or et l’argent, il y en a un qui semble décisif : c’est qu’il faudrait faire subir à tous les louis de la refonte de 1785 la baisse qu’on opérerait dans la proportion. » Si l’on n’avait pas été arrêté par cette considération, peut-être un peu légère, on aurait donc, pour se mettre d’accord avec le taux commercial, notablement abaissé cette proportion, et que serait-il arrivé ? C’est qu’un peu plus tard on se serait trouvé hors de la véritable voie beaucoup plus qu’on ne l’avait été dans un aucun temps, puisqu’en effet le rapport moyen de l’or à l’argent est estimé depuis lors s’être élevé à 15 et ¾. C’est ainsi que chaque tentative du législateur pour atteindre