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plus ; loin de là, ils sont au contraire les plus prompts à faire valoir leur argent, jusqu’au dernier écu, par des placemens avantageux. On ne connaît plus les trésors cachés : cette image, autrefois si populaire, ne peut plus être empruntée par nous qu’aux souvenirs d’un autre temps. Désormais tous nos trésors brillent au soleil, ou travaillent à la lumière du jour, sous la forme d’agens reproducteurs, à nous créer de nouveaux biens. Pourtant cette image est encore vivante dans les pays dont nous parlons. C’est là que la tradition des trésors cachés se conserve, en Turquie surtout, où la monnaie est trop souvent la seule forme sous laquelle il soit possible de dérober sa fortune à l’avidité d’un pacha. Voilà pourquoi nous croyons que ces pays renferment, eu égard à leur population et à leur étendue, plus de numéraire que la France elle-même. Au reste, cette comparaison favorable n’atténue en rien la gravité du mal qui nous atteint.

Les observations qui précèdent s’appliquent aussi bien à l’or qu’à l’argent, car les deux métaux sont soumis à des lois semblables. Il est sensible toutefois que la dépréciation qu’ils doivent inévitablement subir est plus imminente pour l’argent que pour l’or, et qu’elle doit être aussi, selon toute apparence, beaucoup plus forte. Tout concourt à le faire pressentir : d’abord l’expérience du passé, qui nous montre que la valeur de l’argent a décru d’une manière plus constante et plus sensible, puisqu’autrefois, dans toute l’Europe, une livre d’or ne valait que dix livres d’argent, tandis qu’aujourd’hui elle en vaut, en moyenne, quinze trois quarts ; ensuite l’état actuel des mines, où il parait certain qu’il y a des progrès plus prochains et plus considérables à attendre dans l’extraction de l’argent que dans celle de l’or ; enfin la considération des besoins futurs des peuples, qui, en suivant la tendance générale et manifeste d’une civilisation plus avancée, doivent faire de jour en jour un plus grand usage de l’or comme monnaie, et délaisser l’argent dans la même proportion. Ainsi, la demande se porterait peu à peu de préférence vers le métal le plus riche, et tendrait à soutenir son prix en dépit de l’accroissement de la production, tandis que l’autre, placé entre une production plus active et une demande sans cesse décroissante, s’avilirait rapidement. Dès-lors l’Angleterre, qui fait usage, et un usage modéré, de l’or, serait en cela fort ménagée, tandis que la France, qui regorge d’argent, aurait à subir d’incalculables pertes.

Si de ces considérations sur l’emploi des monnaies nous passons à l’examen des combinaisons du système monétaire proprement dit, nous trouverons encore dans la loi française, avec quelques mérites