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L’intérêt de ce capital inutile, en le calculant seulement à raison de 5 pour 100, taux fort inférieur, à la moyenne de l’intérêt des capitaux dans le pays, s’élève à la somme de 137 millions 500,000 francs, qui représente, à ce qu’il semble, la perte annuelle que la nation subit. Mais il ne suffit pas de calculer l’intérêt du numéraire inutile. S’il disparaissait de la circulation, comme il ne fait pas partie du revenu net du pays et qu’il constitue au contraire une portion de son capital actif, il serait converti tout entier en agens reproductifs, lesquels donneraient en moyenne, comme on a coutume de le calculer pour tous les capitaux de ce genre, 10 pour 100, c’est-à-dire le double de l’intérêt ordinaire, ou une somme totale de 275 millions par an. Voilà ce qu’en réalité la France dépense tous les ans de plus que l’Angleterre pour le service de ses échanges ; somme énorme dont elle grève inutilement son revenu, où dont elle pourrait l’augmenter par un emploi plus économique du numéraire.

Une telle dépense n’est pas assurément à dédaigner ; que sera-ce donc si l’on considère que, loin de faciliter par les échanges, la France ne fait que rendre leur service, à d’autres égards, plus onéreux ? Combien de frais n’entraîne pas, en effet, le transport continuel de toute cette masse de numéraire, dont l’office est de circuler sans cesse ! Ils paraissent médiocres, ces frais, quand on les considère dans chaque cas particulier ; mais, si l’on tient compte de leur répétition journalière, on comprendra qu’ils doivent s’élever annuellement à des sommes énormes. Ils sont d’autant plus considérables en France, que la monnaie généralement en usage est l’argent, monnaie lourde, encombrante, en raison du bas prix auquel elle est descendue, et qui n’est déjà plus en rapport avec l’importance habituelle de nos transactions. Ajoutez à ces frais la perte de temps, qui se renouvelle aussi tous les jours, dans les paiemens, dans les recettes, dans les comptes de caisse et les liquidations. On l’a dit avec raison, le négociant anglais expédie plus d’affaires en une demi-heure que le français en un jour, et cet avantage, il le doit surtout à la différence des systèmes monétaires, tant il est vrai, qu’en multipliant outre mesure l’agent des échanges ; on n’a réussi qu’à les entraver. Il n’est pas permis à une nation commerçante éclairée, de méconnaître des intérêts si graves ou de les négliger. Comment faire cependant pour remédier à cette exubérance de numéraire ? Les moyens sont connus, car ils ont été déjà bien, souvent exposés. Peut-être faudrait-il quelques développemens nouveaux pour montrer leur juste application en France, mais ce n’est pas l’objet