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non de théorie, mais d’application, par cela même d’une importance plus haute. Quand on considère l’énormité du capital qui circule au sein des nations sous la forme de monnaies, on comprend d’ailleurs que rien de ce qui touche à l’aménagement de ce fonds social ne saurait être indifférent. Nous allons donc essayer de mettre quelques-uns de ces principes en évidence, en nous aidant des lumières de ceux qui les ont envisagés avant nous ; mais comme tout se lie dans une matière semblable, qu’on nous permette de rappeler d’abord les vérités générales désormais hors de discussion.

La fonction essentielle de la monnaie, c’est de faciliter les échanges. Dans l’état actuel des sociétés, sauf quelques exceptions très rares nul homme ne travaille pour consommer ses propres fruits : il travaille pour les autres, à condition d’obtenir d’eux, en échange des produits qu’il leur livre, tous ceux que ses besoins réclament. Les échanges sont donc devenus la loi universelle de l’industrie ; cependant, en raison même de leur universalité, il est impossible que les échanges se fassent directement, produit contre produit. L’homme qui livre à un autre le fruit de son travail a rarement un produit équivalent à lui demander ; c’est ailleurs que ses besoins le portent, et il faudra même souvent qu’il s’adresse à plusieurs pour trouver sous des formes diverses, et par portions inégales, cet équivalent auquel il a droit. De là la nécessité d’une marchandise commune, et en quelque sorte intermédiaire entre toutes les autres, que chacun veuille recevoir en échange de ce qu’il livre, et qu’il puisse toujours faire accepter en échange de ce qu’il demande. Telle est la monnaie. Il est nécessaire que la monnaie ait une valeur intrinsèque, valeur toujours égale à celle des produits contre lesquels elle s’échange ; autrement ces relations complexes dont elle est pour ainsi dire la clé manqueraient de garantie. Nul n’oserait abandonner ses produits, incertain qu’il serait d’obtenir en retour la juste mesure de leur valeur : cette longue série d’opérations sur laquelle l’édifice industriel repose serait alors troublée dans son principe, et le mouvement s’arrêterait.

Rigoureusement parlant, toute marchandise peut servir de monnaie ; il suffit pour cela qu’elle soit d’un placement général, de manière à pouvoir être donnée et reçue partout On citerait même plusieurs denrées d’un usage ordinaire qui ont fait cet office en divers temps, comme les bestiaux, le sel, le blé et beaucoup d’autres. Bien plus, de nos jours encore, si l’on y regardait bien, on trouverait que des marchandises de diverses sortes remplissent en réalité cette fonction de simples intermédiaires dans certains cas particuliers. Toutefois,