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du passé. Comme pour se mettre en intime accord avec cet esprit éminemment historique, Cabanis commence par un éloge animé de la philosophie ancienne ; puis, retour qui n’est guère conforme au respect de l’antiquité, il attribue toutes les religions aux philosophes, et déclare avec un grand sang-froid qu’elles ont fait aux hommes beaucoup plus de mal que de bien ; il conclut donc en général contre les religions. Cependant il se demande comment se sont créées ces imaginations si pernicieuses, et cette fois il les dérive d’un besoin natif chez les hommes de rattacher à des causes les objets et les faits qu’ils observent, et de prêter à ces causes quelque chose comme l’intelligence et la volonté par lesquelles ils produisent à leur tour des créations et des phénomènes secondaires. Il explique ainsi la naissance et le développement du sentiment ou plutôt de l’idée religieuse, et tout en l’accusant d’être une tentative téméraire de pénétrer l’impénétrable, il la montre naturelle et nécessaire aux hommes, conforme à leur instinct, favorable à la morale, utile au bonheur. On ne sait rien de l’essence de la cause universelle, rien de l’essence de la cause qui nous rend susceptibles de sentir, c’est le nom qu’il donne au principe intelligent ; mais cette ignorance absolue est, quand à l’une, un faible argument contre le cri universel et constant de la nature entière ; et quant à l’autre, la croyance à se persistance après la destruction n’a besoin pour être établie que de l’impossibilité de démontrer l’opinion contraire par des argumens positifs. En d’autres termes, point de preuves contre le déisme et le spiritualisme. Il est vrai que la démonstration n’est pas de mise en ces sortes de questions, et cela par une raison singulière, c’est que la démonstration n’est applicable qu’aux abstractions.

Toutefois, Cabanis croit qu’on peut exposer analytiquement l’histoire de la notion de la cause première, car il ne se permet point de la nommer Dieu, c’est un mot dont le sens n’a jamais été déterminé et circonscrit avec exactitude. Il identifie la cause première avec la cause universelle, et, à ce double titre, elle ne peut être ni rapportée ni comparée à rien. « Elle est parce qu’elle est, elle est en elle-même. » Ces paroles sont vraies et belles ; elles appartiennent à une irréprochable théodicée. Faisant un pas de plus dans cette voie, Cabanis déduit de la nature de l’esprit humain la croyance qui fait dans la première cause subsister, avec la puissance, la volonté et la sagesse. « Cette croyance réunit en sa faveur les plus grandes probabilités. »

Tout à coup il part de là pour affirmer que le principe de l’intelligence