Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la province du Riff, qui avoisine nos possessions, s’étendant à l’intérieur jusqu’à la province de Tedla, où l’on trouve leurs frères de race, les Amazirgas-Shilogs. Des environs de Méquinez aux plages de l’Océan, le long des vastes plaines d’Ummerrebick et de Temsift les Shilogs occupent les flancs et les contreforts occidentaux de la grande chaîne. Au versant opposé, dans le Tafilet et le Segelmesa, quelques-unes de leurs tribus, et parmi celles-ci la tribu des Filelies, à laquelle appartient la dynastie régnante des Muley, sont parvenues à s’établir d’une façon à peut près fixe. En résumé, Berbères ou Shilogs, les Amazirgas possèdent les seules montagnes boisées du Maroc ; ces vallées si fertiles dont les ondulations capricieuses se vont perdre dans la Méditerranée. C’est là qu’Abd-el-Kader a jusqu’ici trouvé ses partisans les plus fanatiques ; ce sont là les vastes retranchemens dans lesquels nos troupes seront obligées de le forcer, s’il est vrai qu’aux termes du traité de paix conclu des Spartiates, ait répondu : « Viens le prendre, » à la France, qui exigeait de lui qu’il livrât le trop fameux émir. Si la guerre doit un jour de nouveau éclater, c’est sans aucun doute avec les Amazirgas qu’auront lieu les premiers engagemens, avec les Gomeres, les Masmudas, les Zénètes, les Havoras, les Cenegas, et cent autres tribus à demi sauvages qui tiennent leurs noms des guerriers et des patriarches qui les ont autrefois commandées ou des montagnes aux flancs desquelles sont établis leurs douairs.

La dénomination générale de berbère est d’origine étrangère, la première lettre de ce mot n’existant dans aucun des idiomes que parlent les tribus. Dans tous ces idiomes, amazirga signifie libre, noble, indépendant ; c’est l’équivalent du mot frank chez les anciennes races teutoniques ; il exprime l’indépendance à peu près complète où vivent les tribus du Riff vis-à-vis de l’empereur. Leurs douairs nomades n’abandonnent jamais les plus hautes et les plus âpres ravines. Les unes et les autres ne reconnaissent guère que l’autorité de leurs omzarghis ou seigneurs héréditaires et de leurs arngaris ou anciens. Les montagnards du Riff sont de taille moyenne, mais de formes athlétiques ; leur physionomie, ordinairement ouverte, contracte, quand ils s’abandonnent à toute leur colère une expression de férocité inouie ; à leur teint blanc, à leurs cheveux blonds, on les prendrait, non, certes pour des Africains, mais pour des habitans de l’Europe du nord. Grands chasseurs et dédaignant les travaux de l’agriculture, la plupart ne tirent leur principale subsistance que des troupeaux qui paissent dans les vallées inférieures de l’Atlas.

Mais les plus curieuses des tribus amazirgas, ce sont les tribus des Shilogs, race belliqueuse, tout-à-fait inconnue encore à l’Europe, et qui dans ces dernières années a pris, comme on l’a vu déjà, la plus grande part aux évènemens politiques. Si l’on en croit les lettrés du Maroc, il faut voir dans les Shilogs les débris, tombés à l’état sauvage, de la première colonie que les Portugais aient entreprise, bien des sicles avant d’avoir doublé le cap de Bonne-Espérance On trouve même, dit-on, aux environs de Demmest, au cœur du