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d’un enthousiasme sincère, plus d’efforts de poumons, plus de ces pleurs vulgaires qui amoindrissent et dégradent le personnage. Sa voix, à la fois brisée et sonore, avait acquis je ne sais quels accens, quelles vibrations qui allaient retentir dans les ames : les larmes dont il la trempait étaient héroïques et pénétrantes. » L’acteur le plus éblouissant par sa prestesse de bon goût et par ses graces enchanteresses, Molé, repoussé d’abord par le public de Paris, qui le trouvait froid, alla jouer quatre ans en province, et en revint avec un entrain irrésistible, peut-être même un peu exagéré, au jugement des fins connaisseurs. Parmi les comédiens célèbres, ceux qui ne se sont pas développés par un travail, opiniâtre ne forment véritablement qu’une exception.

Les qualités nécessaires à l’acteur pour s’élever jusqu’à la peinture idéale, le dessin du geste et le coloris du langage, sont de celles que la nature ne peut pas donner complètement, si libérale qu’elle soit : il faut donc s’en assurer la pleine possession par un continuel exercice. En présentant quelques observations à ce sujet, je ne serai que l’écho des maîtres de la scène. Je me suis laissé aller au plaisir d’interroger leur expérience, en épuisant les divers moyens d’information que fournissent la tradition écrite et les souvenirs des amateurs.


II – DE LA VOIX ET DE LA DICTION

Pour débiter ce dialogue qui, sous prétexte de naturel, reproduit platement le langage de la vie commune, le parler ordinaire suffit. Qu’un acteur de vaudeville ou de mélodrame corrige les vices les plus choquans de sa prononciation, qu’il donne a son organe le volume convenable, et tout est fait pour lui. Interprète des grands écrivains, appelé à faire valoir cet épanouissement de la pensée, cette splendeur d’expression, ces rhythmes variés, cette chose indéfinissable qu’on appelle le style, le comédien artiste n’y parviendrait jamais sans une voix sonore, liante, bien posée, et susceptible de plusieurs nuances.

Il est un mot que Talma n’aimait pas, et qu’il regrettait de voir employé pour désigner l’art dont il était la gloire : c’est le mot déclamation. Notre langue ne possède pourtant pas d’autre terme pour spécifier ce caractère particulier que prend nécessairement la voix quand elle doit rendre le langage soutenu de la poésie ou de l’éloquence. Le son articulé, formé par un certain travail de la bouche, produit la parole ; le son modulé par le larynx donne ces vibrations