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plus d’avantage à employer les bois autrichiens que les bois grecs. Quand on parcourt l’Attique, on est surpris de voir le feu ravager les bois et faire ainsi de maigres pâturages aux dépens d’une richesse plus grande. C’est qu’à vrai dire cette richesse est morte, et que, grace au fisc, on ne saurait en tirer aucun parti[1].

Au milieu de tant d’entraves, les unes qui tiennent à la situation même du pays, les autres dont le gouvernement peut être justement accusé, on pourrait croire, que la Grèce, depuis dix ans, n’a pas fait un pas, ou bien qu’elle a reculé. Il n’en est pourtant rien. J’ai déjà dit que la Grèce, depuis la fin de la guerre, avait déjà rebâti soixante à quatre-vingt mille maisons qui lui manquaient, et que le revenu public avait triplé. En même temps, tout compensé, le nombre des stremmes mises en culture a augmenté, et malgré la dîme, on a planté plus d’arbres fruitiers encore qu’on n’en a coupé. M. Piscatory, avec qui j’ai visité l’Argolide, la Corinthie, la Laconie et la Messénie, avait en 1841 parcouru les mêmes contrées ; presque partout, il a été frappé des progrès qu’avait faits, dans ce court intervalle, la richesse générale. Il est évident que, si l’assiette d’impôt était modifiée, la propriété constituée sur une base solide, l’argent un peu moins rare, ces progrès seraient bien plus marqués encore, et qu’en Grèce comme en Amérique la population pourrait doubler en vingt ans. Il est évident qu’ainsi ne tarderaient pas à se perdre les habitudes d’oisiveté qui aujourd’hui paralysent en partie les grandes facultés du pays. On reproche aux restes de l’aristocratie grecque de s’entourer, comme jadis les seigneurs féodaux, d’une foule de serviteurs armés qui épuisent les ressources du pays, sans contribuer à les reproduire ; on reproche à la classe moyenne de se précipiter avidement, sur les fonctions publiques, et de chercher dans les caisses de l’état plus que dans le travail le moyen d’améliorer son sort ; on reproche aux vieux palikares de conserver leurs habitudes d’indiscipline et de vie errante. Tout cela peut être vrai ; mais comment en serait-il autrement quand le capital manque, quand la propriété existe à peine, quand l’impôt est arbitraire et oppressif. Palikares, classe moyenne, Paysans, tous ne demandent qu’à travailler, pourvu que ce soit pour eux-mêmes et pour leur famille.

On ne doit point oublier, au reste, que les Grecs n’ont tous ni même, origine, ni même caractère, ni même penchant. Les Péloponésiens sont avant tout agriculteurs. Ailleurs, notamment dans les îles, l’esprit

  1. J’emprunte une partie de ces détails au Blackwood Magazine, qui parait très bien informé des affaires de la Grèce. Les autres m’ont été fournis sur les lieux mêmes par des personnes parfaitement compétentes.