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légale et religieuse, on l’a supprimé et remplacé par une contribution fixe. Dans un pays où l’économie politique est tant soit peu comprise personne n’a plus l’idée de le défendre. Cependant en Grèce, les mérites naturels de la dîme sont encore rehaussés par un mode de perception aussi ingénieux qu’équitable. Voici comment les choses se passent soit pour la dîme elle-même, soit pour la redevance qui vient s’y ajouter, quand il s’agit d’une propriété de l’état. Avant la récolte, les agens de l’état estiment village par village ce qu’elle pourra produire ; puis l’impôt est mis aux enchères et affermé à celui qui en offre le plus. Voilà donc le fermier adjudicataire chargé du soin de faire faire la récolte sous ses yeux et de prendre à son profit singulier la part qui revient à l’état. On peut comprendre à quels abus, à quelles exactions un tel système donne lieu. Comme l’adjudicataire craint, avec raison, qu’on ne soit tenté de le voler, il fixe pour chaque contribuable le moment où il doit couper, transporter, enlever son blé. Ainsi la récolte se fait trop tôt ou trop tard ; ici elle pourrit sur pied, là elle attend deux ou trois mois autour des aires qu’il soit permis d’en tirer parti. Aussi arrive-t-il souvent que, pour échapper à cette tyrannie, le cultivateur capitule avec l’adjudicataire, et lui paie, pour être libre, 3 ou 4 pour 100 en sus.

On croit que c’est tout. Pas le moins du monde, et le système, en ce qui concerne les jardins et les légumes, est encore bien plus heureusement inventé. Ici les 25 ou les 10 pour 100 doivent être payés non sur le produit brut réel, mais sur le produit brut tel qu’il est évalué. Or, pour juger de ce que peuvent être ces évaluations, il faut savoir qu’un olivier qui produit tous les deux ans trois à quatre dragmes à Athènes, en produit quatre-vingts à Calamata et plus encore à Salona. Il faut savoir qu’un pied d’arbre se vend depuis seize dragmes jusqu’à mille. Quelle marge, quelle latitude pour les évaluateurs ! La conséquence, c’est que dans beaucoup de localités les propriétaires ont coupé leurs arbres fruitiers plutôt que de payer la dîme. Par la même raison, la culture des légumineux, des pommes de terre entre autres, est devenue à peu près impossible.

Pour le bois, la dîme existe également, et voici dans quelques localités l’effet qu’elle a produit : les bois autrichiens paient à l’entrée 6 pour 100 ; les bois grecs, quand on les coupe, sont imposés à 10 pour 100 non de leur valeur réelle, mais de la valeur supposée des bois autrichiens. D’un autre côté, les routes manquent en Grèce, tandis qu’entre Athènes et Trieste, la mer fournit un moyen facile et peu coûteux de communication. La conséquence, c’est qu’il y a souvent