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est-elle née viable ? en d’autres termes, y a-t-il dans son territoire, dans sa population, dans ses ressources actuelles ou futures, tous les élémens d’un état indépendant et libre ? Quel est, dans tous les cas, l’avenir de cet état nouveau, et quelle doit être à son égard la politique de la France ? Ces deux questions, on le voit, sont vastes et complexes. Il faudrait un volume pour les présenter sous toutes leurs faces ; mais, sans les approfondir, on peut en toucher les points principaux.

Pendant long-temps, les souvenirs classiques avaient fait de la Grèce un pays enchanteur où, sous le plus beau ciel du monde, tous les produits de la terre croissaient presque spontanément. Aujourd’hui, au contraire, c’est un lieu commun que de représenter le sol de la Grèce comme le plus aride, le plus pauvre qu’il y ait. Si l’on veut parler de l’Attique, des îles et de certaines contrées montagneuses, du Magne, par exemple, ce dernier portrait, bien que peu flatté, ne laisse pas que d’être assez ressemblant ; mais toute la Grèce n’est pas dans l’Attique, dans les îles, dans le Magne, ni dans l’enceinte de montagnes nues et décharnées qui l’enveloppe de toutes parts : elle est aussi dans ses plaines et dans ses vallées. Or, les unes et les autres sont en général d’une grande fertilité naturelle ; je puis citer, pour les avoir parcourues, les plaines de Thèbes, d’Argos et de Corinthe les vallées de la Laconie et de la Messénie. L’Élide, l’Arcadie, l’Atolie, la Phocide, l’Achaïe, l’Acarnanie, l’Eubée, renferment aussi, dit-on, d’excellentes terres, et qui, pour devenir très productives, n’attendent que la main de l’homme. L’administration grecque est d’ailleurs trop imparfaite pour pouvoir fournir encore des documens statistiques bien exacts. Si l’on en croit des recherches faites avec soin, soit par le gouvernement, soit par des voyageurs, voici pourtant quelques résultats assez curieux : la Grèce actuelle, d’après ces recherches contiendrait en tout à peu près 48 millions de stremmes[1] (7,680,000 hectares) dont 21 millions et demi dans la Morée, 19 millions et demi sur le continent, 7 millions dans les îles. Or, sur ces 48 millions, il y aurait en terres labourables, vignes et jardins, 12 millions et demi dans la Morée, 8 millions et demi sur le continent, 750,000 dans les îles, en tout près de 22 millions, c’est-à-dire un peu moins de la moitié. Il y aurait en outre, en forêts, 3 millions de stremmes dans la Morée, et 4 millions sur le continent. Le reste se partagerait en montagnes et rochers, lacs et rivières, villes et villages, sans compter quelques terrains qui trouvent difficilement place dans aucune des catégories.

  1. La stremme est de 16 ares.