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disposés à étayer un édifice à demi ruiné. Dans les élections, M. Metaxas et ses amis avaient en outre été le point de mire principal du ministère, et il fallait une abnégation rare pour qu’ils se fissent soudainement ses associés. Si une transaction devenait possible, il leur convenait beaucoup mieux qu’elle eût lieu d’un autre côté.

Au milieu de toutes ces agitations, de toutes ces intrigues, M. Coletti, de l’aveu général, restait l’homme essentiel. M. Coletti s’était d’abord montré plus favorable qu’hostile au ministère, ce dont le ministère l’avait récompensé en faisant partout une guerre ostensible ou secrète à ses amis ; mais bientôt, à la vue de tant d’actes illégaux, violens, corrupteurs, M. Coletti était rentré sous sa tente, attendant pour reparaître dans la lice de meilleures circonstances. Je crois être certain que son désir était de garder cette attitude jusqu’à la réunion des chambres. Le ministère ne voulut pas l’y laisser, et lors de la révolte de l’Acarnanie, ses affidés allèrent répétant partout que M. Coletti était complice de Grivas. Enfin quelques clameurs anti ministérielles s’étant fait entendre à Athènes sous les fenêtres du roi, le ministère, non content de les réprimer avec une violence inouie, accusa hautement M. Coletti d’en avoir été l’instigateur. C’était dépasser toute mesure : aussi M. Coletti, prenant son parti, déclara-t-il enfin qu’il se plaçait à la tête de l’opposition.

On sait comment la crise s’est terminée. Le scrutin était ouvert à Athènes, et le peuple veillait jour et nuit sur les urnes, craignant qu’elles ne fussent encore dérobées et faussées. On savait d’ailleurs que le résultat était tout-à-fait favorable à l’opposition. C’est alors qu’un des candidats ministériels, le général Kalergi jugea convenable d’entrer dans la salle du collége électoral à la tête de ses gendarmes. Il en résultat une rixe où Kalergi ne fut pas vainqueur et qui aurait pu avoir les plus graves conséquences. Grâce à l’heureuse intervention du roi, le désordre extérieur se borna aux cris mille fois répétés de « à bas le ministère ! à bas les Anglais ! vive la France ! » Tout se calma d’ailleurs dès qu’on apprit que la démission du ministère, plusieurs fois offerte, avait été acceptée la veille par le roi, et que M. Coletti était chargé de former un nouveau cabinet.

Pour compléter ce récit abrégé, mais exact, il est indispensable de dire quelle fut la part du roi dans ces divers évènemens. Arrivé fort jeune en Grèce et entouré de conseillers bavarois, le roi, lorsque la révolution éclata, n’était rien moins que populaire. L’opinion commença à se rapprocher de lui, quand on le vit, au lieu de combler les vœux du parti russe par une abdication précipitée, accepter avec douleur,