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Enfin, le nombre des députés, qui était de deux cent trente-cinq au congrès, se trouvant réduit à cent vingt-cinq, il n’était pas aisé de choisir entre les candidats, surtout quand les uns et les autres appartenaient à l’ancienne majorité, sans être positivement de la même nuance.

Que ces difficultés et d’autres encore fussent sérieuses, cela est vrai ; ce qui est vrai aussi, c’est que l’opinion publique en tenait compte au cabinet ; ce qui est vrai, c’est que la crainte des nappistes et des démocrates tendaient à effacer de plus en plus toutes distinctions arbitraires et factices ; ce qui est vrai, c’est qu’il ne paraissait pas impossible de rapprocher définitivement MM. Coletti et Maurocordato, et de former ainsi sur les ruines, des anciens partis un vaste parti constitutionnel : mais pour atteindre ce résultat, il était indispensable que le cabinet fût ferme et prévoyant dans ses actes, large et équitable dans ses choix ; il était indispensable surtout que dans la lutte électorale qui s’ouvrait, il ne se montrât ni exclusif ni violent or le cabinet fit précisément tout le contraire.

En France, on s’est surtout préoccupé de quelques désordres qui ont eu lieu en Messénie, en Laconie, ailleurs encore, au moment des élections. Je le répète, dans un pays si long-temps en proie à la guerre civile, au milieu d’une population armée et toujours prête à vider ses différends le fusil à la main, ces désordres étaient inévitables et ne prouvent absolument rien. Ce qui est bien plus fâcheux, bien plus funeste, c’est la corruption effrénée dont le ministère lui-même a donné le honteux signal. Il y a en Grèce une décoration destinée à récompenser les hommes de la lutte, et qui, avant les dernières élections, avait encore une certaine valeur. Je connais tel candidat ministériel à qui cinq à six cents brevets de cette décoration ont été donnés en blanc, afin qu’il les distribuât aux électeurs qui voteraient pour lui. Une fois qu’on s’est engagé dans telle voie, il est d’ailleurs presque impossible de s’arrêter. Le ministère commença donc par la corruption ; puis, comme il vit que ce moyen ne suffisait pas, il ne tarda pas à joindre l’illégalité flagrante et l’intimidation. Dans plusieurs villages, la gendarmerie fut appelée au secours des électeurs fidèles, et reçut l’ordre d’agir énergiquement contre les électeurs récalcitrans ; dans d’autres, les urnes du scrutin furent enlevées pendant la nuit, ouvertes et faussées. Le cabinet enfin se vit forcé de destituer un de ses membres, M. Loudos de Patras, ministre de la justice, pour empêcher la publication d’une