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directs ou collatéraux ; de l’autre, la constitution de 1843, qui exclut ces derniers, à moins d’abjuration. Et c’est en vain que la diplomatie espérerait faire revenir la Grèce sur sa détermination : bonne ou mauvaise, cette détermination est irrévocable, et, le cas advenant, il faut que la diplomatie se prépare à en subir toutes les conséquences.

La constitution grecque est d’ailleurs jetée dans le moule habituel et ressemble beaucoup à la nôtre. Un roi irresponsable, qui nomme et révoque les ministres, une chambre des députés élective et temporaire, un sénat à vie choisi par le roi, d’après certaines catégories, voilà les élémens qui, à Athènes comme à Paris, constituent la puissance législative. Quant aux principes généraux, aussi bien qu’aux garanties politiques et civiles, il n’y a presque aucune différence. Et cependant, il faut le dire à l’honneur de la Grèce, ce n’est pas de confiance et par un vote irréfléchi que le congrès national accepta cette constitution. Pour une assemblée où se rencontraient tant de races, tant de traditions, tant d’idées et de mœurs diverses ; où à côté du diplomate fanariote et du négociant des îles siégeaient le rude primat du Péloponèse, le vieux palikare roumélite, sa peau de mouton sur l’épaule, ses pistolets à la ceinture, où enfin les habitudes parlementaires se confondaient avec celles de la guerre étrangère et de la guerre civile, il y avait deux dangers à craindre, deux écueils a redouter : l’un, que la discussion ne fût promptement étouffée, l’autre, qu’elle ne dégénérât bientôt en violences et en rixes. Eh bien ! ces deux dangers, ces deux écueils ont été également évités. Pas un article important de la constitution qui n’ait donné lieu à une discussion sérieuse et approfondie ; pas un membre, lettré ou illettré, qui, pour dire son avis, n’ait trouvé des paroles simples, claires, quelquefois éloquentes, d’un autre côté, pas un débat qui soit sorti des bornes de la convenance et de la modération. Quand je suis arrivé à Athènes, le congrès venait de terminer ses séances, et je l’ai vivement regretté, car ce devait être un noble et grand spectacle, un spectacle fait pour réjouir ceux qui croient à l’avenir de la Grèce constitutionnelle.

La constitution pourtant ne s’était pas faite, la crise n’avait pas été traversée sans quelques incidens qui modifièrent notablement la situation respective des partis. Le premier de ces incidens fut l’obligation où se trouva le cabinet d’accepter la démission d’un de ses membres, M. Rhiga-Palamidis, qui devint le chef de l’opposition démocratique. Le second et le plus fâcheux fut la dissolution du fameux triumvirat. Ainsi que je l’ai dit, oubliant d’anciens dissentimens,