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Cependant les élections eurent lieu au milieu du désordre inséparable d’une révolution, en vertu d’une vieille loi électorale dont l’application était pleine de difficultés et de doutes. Malgré le bon esprit du pays, il était inévitable que, faisant appel ici aux vieux souvenirs et aux passions religieuses, là aux intérêts nouveaux et aux passions démocratiques, le parti russe obtînt de notables succès. En ne consultant que les classifications anciennes, sur les deux cent trente-cinq membres dont se composait, le congrès national, ce parti avait une majorité de quelques voix, majorité qui pouvait s’accroître de tous ceux qui, dans les autres partis, penchaient vers les idées démocratiques. Mais outre que le parti russe avait cessé d’être homogène, il survint deux évènemens graves qui, momentanément du moins, le mirent hors de combat : l’un de ces évènemens est le rappel si brusque, si violent, de M. Katakasy ; l’autre, la coalition qui se forma entre les trois hommes les plus importans de la Grèce, MM. Coletti, Metaxas et Maurocordato.

On s’est donné beaucoup de peine pour expliquer le rappel de M. Katakasy ; voici, si je suis bien informé, comment les choses se passèrent. L’empereur Nicolas a peu de goût pour la royauté grecque ; mais il n’en a pas davantage pour les constitutions. Quand Moscou, loin de M. de Nesselrode, il apprit comment les choses avaient tourné à Athènes ; quand il sut que, sans renverser la royauté grecque, le mouvement de septembre venait de créer sur les bords de la Méditerranée une constitution représentative ; quand il vit à la tête du gouvernement nouveau les hommes sur lesquels il croyait pouvoir compter, Metaxas notamment et Kalergi, peut-on peut s’étonner que l’empereur Nicolas ait éprouvé une vive contrariété, qu’il ait été pris d’une violente colère. C’est dans ce premier mouvement qu’il s’empressa de rappeler M. Katakasy, de congédier le frère de Kalergi, qui était à son service, de témoigner enfin, par tous les moyens ; sa désapprobation et son mécontentement. C’était une faute grave sans doute, une faute que n’aurait pas commise M. de Nesselrode : aussi l’empereur s’est-il adouci depuis et a-t-il permis que son gouvernement rentrât dans la lice ; mais les premières chances étaient perdues, et rien ne répond qu’il s’en présente bientôt d’aussi bonnes.

Quoi qu’il en soit, une telle conduite devait nécessairement désorienter le parti russe. L’union de MM. Coletti, Maurocordato et Metaxas lui porta un coup plus rude encore. MM. Coletti et Maurocordato étaient l’un à Paris, l’autre à Constantinople, au moment de la révolution, et peut-être n’avaient-ils pas vu avec beaucoup de plaisir un mouvement combiné, conduit, exécuté par leurs anciens adversaires,